Le secteur de la grande distribution suisse est en pleine évolution, marqué par des stratégies agressives des acteurs majeurs pour attirer une clientèle de plus en plus exigeante. Dans un contexte de pressions économiques et d’inflation, deux grands noms du commerce, Migros et Lidl, ont annoncé des initiatives destinées à redéfinir les attentes des consommateurs. Migros, traditionnellement associée à une politique de prix compétitifs, revient avec une nouvelle stratégie de prix bas.
Lidl, quant à lui, mise sur une approche différente, en introduisant une nouvelle gamme sous la marque « Qualité Suisse ». Ces actions illustrent les tensions croissantes sur le marché suisse, où la fidélité des consommateurs se gagne aujourd’hui non seulement par les prix, mais aussi par l’authenticité et la proximité des produits.
Migros et sa nouvelle offensive sur les prix
Migros a fait un retour en force avec sa stratégie de prix bas, une démarche qui rappelle ses débuts en tant que « casseur de prix » dans les années 1990. Mario Irminger, directeur général de l’entreprise, a annoncé que 500 produits seraient désormais proposés à des prix comparables à ceux des discounters. Cela inclut des articles allant de la gamme M-Budget à des produits bio, couvrant une large part de l’assortiment de Migros, a rapporté Watson. Cette initiative a pour but de répondre à la concurrence croissante des discounters comme Lidl et Aldi, tout en s’adressant particulièrement à une clientèle à la recherche de prix abordables en période d’incertitude économique.
La démarche de Migros vise à combler une lacune laissée par les autres enseignes en proposant des produits de qualité à bas prix. Ces ajustements tarifaires concernent des produits de consommation courante tels que les produits laitiers, fruits et légumes, ainsi que d’autres produits alimentaires de base. Le détaillant suisse met l’accent sur l’amélioration de ses processus logistiques et sur la réduction des coûts pour pouvoir proposer ces prix compétitifs. Avec cette politique, Migros entend non seulement contrer l’expansion de Lidl en Suisse, mais aussi s’imposer comme le leader incontesté dans un environnement de plus en plus disputé.
Cette offensive pourrait également avoir un effet domino, incitant d’autres acteurs à baisser leurs prix pour ne pas perdre de parts de marché. Le secteur suisse de la grande distribution, historiquement dominé par Migros et Coop, pourrait voir une redistribution des cartes, selon la réaction des consommateurs face à ces nouvelles offres tarifaires.
Lidl et sa stratégie « Qualité Suisse » : un pari sur l’identité locale
De son côté, Lidl a décidé de ne pas jouer la carte de la baisse des prix en réponse à la pression de Migros, mais de se concentrer sur la « Swissness ». Nicholas Pennanen, directeur de Lidl Suisse, a récemment annoncé le lancement de la marque « Qualité Suisse », une gamme de produits alimentaires fabriqués en Suisse, destinée à renforcer l’identité locale de l’enseigne. Cette initiative fait partie d’une stratégie visant à conquérir un public suisse de plus en plus attiré par la provenance locale de ses produits.
Avec la collaboration de la Haute École spécialisée de Zurich (ZHAW), Lidl a identifié le facteur « Swissness » comme un levier de différenciation clé. Bien que la marque Lidl soit perçue comme plus internationale, le discounter a cherché à répondre à un besoin exprimé par les consommateurs suisses : la recherche de produits locaux de qualité. Plus de 50 % du chiffre d’affaires de Lidl provient déjà de produits suisses, mais cette nouvelle marque, qui inclut des produits frais comme du lait, de la viande et du fromage, accentue encore cette identité locale.
La gamme « Qualité Suisse », qui comprend déjà environ 200 produits et devrait atteindre 500 produits d’ici la fin de l’année, pourrait bien bouleverser le secteur. Ces produits, initialement vendus sous d’autres marques telles que Milbona ou Bonvalle, sont désormais rebrandés pour insister sur leur origine suisse. Toutefois, certains experts se demandent si cette démarche ne relève pas plus d’un reconditionnement que d’une véritable nouveauté, notamment en raison du manque de transparence sur l’étendue des changements apportés aux produits existants.
Pour appuyer cette nouvelle stratégie, Lidl mise également sur des éléments du folklore suisse pour attirer l’attention des consommateurs. La marque a choisi un Saint-Bernard comme mascotte et continue de s’associer à des personnalités suisses emblématiques, comme Christian Stucki, le champion de lutte suisse, pour renforcer son image locale. Ces initiatives visent à ancrer davantage Lidl dans le quotidien des consommateurs suisses tout en revendiquant son ancrage régional.
Lidl, qui prévoit d’ouvrir 10 à 15 magasins chaque année, en particulier dans les grandes villes et en Suisse romande, espère ainsi consolider sa part de marché, actuellement estimée à 6 à 7 %. Cette stratégie pourrait lui permettre de se positionner comme un acteur sérieux dans le domaine des produits suisses, tout en restant compétitif en termes de prix.