Face à une société en pleine mutation et une pénurie de main-d’œuvre qualifiée qui s’aggrave, une réforme du congé parental est proposée avec pour idée d’accorder 18 semaines à chaque parent après la naissance d’un enfant, remplaçant les congés maternité et paternité actuels.
Suisse : vers un congé parental de 18 semaines pour chaque parent ?
Une alliance interpartis s'apprête à lancer une initiative fédérale visant à instaurer un congé parental 18 semaines pour chaque parent en Suisse. Cette proposition entend répondre à la pénurie de main-d’œuvre et promouvoir l'égalité entre hommes et femmes au sein des foyers. Mais l'idée ne fait pas l'unanimité.
En effet, alors que les initiants vantent les bénéfices économiques et sociaux d'un tel congé, des opposants, notamment à droite, dénoncent une mesure coûteuse et déstabilisante pour les PME.
Un congé paritaire pour transformer la parentalité
Lancée par une alliance réunissant des représentants des milieux économiques, sociaux et politiques, l'initiative prévoit de remplacer les actuels congés maternité et paternité par un congé parental de 18 semaines pour chaque parent, financé par les allocations pour pertes de gain (APG). Ce congé, non transmissible et partiellement cumulable (quatre semaines peuvent être prises simultanément), doit favoriser une répartition plus équitable des tâches familiales.
Kathrin Bertschy, conseillère nationale et coprésidente de l’Alliance F a déclaré qu'un pays qui veut des enfants et de la main-d’œuvre qualifiée doit investir dans la conciliation entre travail et famille. En effet, l'objectif de la réforme est clair, à savoir réduire la pression exercée sur les mères, encore souvent cantonnées à un rôle domestique après une naissance et encourager les pères à s'investir davantage dans la vie familiale.
Réponse à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée
Les initiants placent cette réforme dans le contexte de la pénurie croissante de main-d'œuvre en Suisse. Avec un taux de natalité historiquement bas de 1,3 enfant par femme et une population vieillissante, les perspectives économiques s'assombrissent. D'ici 2030, environ 500 000 employés qualifiés manqueront sur le marché suisse.
Pour Lisa Mazzone, présidente des Vert.e.s, le problème est aggravé par la faible participation des femmes au marché du travail après une maternité avec plus de 10 % d'entre elles le quittant après la naissance de leur premier enfant, et leur retour se fait en moyenne au bout de cinq ans, souvent à un taux d'activité réduit. Elle souligne que ce congé permettrait aux mères de reprendre plus rapidement leur carrière et aux pères de mieux s'impliquer dans la sphère domestique.
Un levier pour l'égalité et la cohésion sociale
L'initiative se veut aussi un outil pour réduire les inégalités de genre. Les initiants estiment qu'un tel congé parental renforcerait la cohésion sociale et intergénérationnelle. La possibilité pour les deux parents d'être présents lors des premiers mois de vie de l'enfant est jugée bénéfique tant pour le développement des enfants que pour la santé mentale des mères, en diminuant le stress et le risque de burn-out.
Les PME et les régions rurales pourraient également en tirer profit. Actuellement, les grandes entreprises urbaines offrent souvent des conditions plus attractives, ce qui désavantage les PME. Un congé familial national harmonisé permettrait d'atténuer ces disparités et de garantir une meilleure compétitivité des petites structures.
Un projet contesté pour son coût et ses impacts
Malgré ces arguments, les critiques ne manquent pas, notamment à droite. Les opposants craignent un poids financier trop lourd pour les entreprises et les contribuables. Selon une étude commandée par les initiants, le coût du projet pour la mise en route du congé parental s'élèverait à un milliard de francs suisses par an.
Le conseiller national PLR Andri Silberschmidt qualifie cette proposition de « clairement exagérée » et doute de ses bienfaits pour l'économie. De son côté, Rémy Wyssmann, élu UDC, s'inquiète des conséquences pour les PME, redoutant une délocalisation d'entreprises face à cette nouvelle contrainte.
Un investissement à long terme
Les partisans de l'initiative rétorquent que ce coût serait amorti en deux décennies grâce aux cotisations sociales et aux impôts générés par un retour plus rapide et plus important des mères sur le marché du travail. Selon leurs calculs, la création de 2500 postes à plein temps supplémentaires par an et une augmentation des taux d'activité féminins permettraient de compenser l'investissement initial.
Le lancement officiel de l'initiative et la collecte des signatures sont prévus pour le printemps 2025. Si les débats s'annoncent animés, l'initiative pourrait marquer un tournant décisif dans la politique familiale et économique de la Suisse.