Un récent arrêt de la Cour de cassation rappelle que renoncer à une succession doit se faire dans des délais précis. Trois héritiers ont appris à leurs dépens que s’ils sont sommés de prendre une décision par un créancier, ils ne disposent plus que de deux mois pour refuser l’héritage. Passé ce délai, ils sont considérés comme acceptants, et doivent alors assumer les dettes du défunt.
M. X, un citoyen belge résidant en France, décède le 12 juin 2017, laissant derrière lui trois enfants, établis respectivement aux Émirats arabes unis, en Belgique et au Luxembourg, rapporte Le Monde. Lors de l’ouverture de la succession, le notaire en charge du dossier informe les héritiers que leur père laisse un patrimoine immobilier, mais aussi deux dettes conséquentes .
L’une concerne une taxe foncière en cours de remboursement et l’autre représente 78 865 euros de charges de copropriété impayées. Les enfants, hésitants, se fient alors aux conseils du notaire, qui leur indique qu’ils ont dix ans pour prendre une décision, comme le prévoit l’article 780 du code civil. Ils ignorent cependant que cette règle comporte une exception en cas de mise en demeure par un créancier.
Une sommation qui change tout
En juillet 2019, le syndic de copropriété, créancier de la dette la plus importante, exige une prise de décision rapide. Selon l’article 771 du code civil, lorsqu’un créancier somme un héritier de choisir, ce dernier n’a plus que deux mois pour renoncer à l’héritage.
Les héritiers affirment n’avoir jamais reçu cette sommation, qui aurait dû être faite par huissier, et non par simple courrier recommandé. Pensant être encore dans les délais, ils ne réagissent pas et laissent passer le délai légal. En décembre 2019, sur recommandation du Trésor public, deux des trois enfants renoncent officiellement à la succession. Ils pensent ainsi être protégés contre les poursuites.
Une décision judiciaire implacable
Malheureusement, leur renonciation arrive trop tard. Le syndic de copropriété engage une procédure judiciaire pour exiger le paiement de sa créance, en arguant que leur silence passé le délai des deux mois équivaut à une acceptation automatique de la succession.
Les héritiers ne se présentent pas au tribunal et sont condamnés par défaut à payer les 78 865 euros réclamés. De plus, le syndic informe l’agent judiciaire du Trésor, qui revient alors sur sa position et réclame lui aussi le paiement des arriérés de taxe foncière.
Un pourvoi en cassation rejeté
Avec l’aide de leur avocate, Me Julie Buk Lament, les héritiers contestent la décision devant la cour d’appel de Nîmes, qui rejette leur recours. Ils se pourvoient alors en cassation, en avançant un argument juridique : avant la réforme de 2006, un héritier pouvait encore renoncer à la succession avant que la condamnation ne devienne définitive.
Mais, dans son arrêt du 5 février 2025, la Cour de cassation confirme la décision en s’appuyant sur l’article 772 du code civil. Selon ce texte, un héritier qui laisse passer le délai imposé est réputé acceptant et ne peut plus renoncer ou limiter sa responsabilité à l’actif net.
Une sanction sévère en cas de succession non renoncée à temps
Cette affaire souligne l’importance de bien comprendre les délais légaux liés à une succession. Malgré leur volonté de renoncer, ces héritiers se retrouvent contraints de rembourser les dettes de leur père en raison d’un retard dans leur décision.
L’affaire met également en lumière une faiblesse du système, où un manque d’information ou une notification contestée peut mener à une situation juridiquement irréversible. Une vigilance accrue est donc essentielle pour tout héritier confronté à une succession potentiellement chargée de dettes.