L’Assemblée nationale a adopté la suspension de la réforme des retraites dans le cadre du PLFSS 2026, gelant temporairement l’âge légal à 62 ans et 9 mois. Pourtant, contrairement à ce que beaucoup espéraient, cette pause ne sera pas appliquée immédiatement : l’amendement gouvernemental adopté prévoit une entrée en vigueur différée au 1er septembre 2026. Un décalage qui interroge, d’autant qu’il entraîne des conséquences concrètes pour certains assurés. Pourquoi cette date si tardive ? Qui verra son départ à la retraite impacté ? Et pourquoi cette mesure, présentée comme un geste d’apaisement politique, crée-t-elle paradoxalement de nouveaux perdants ?
Le 12 novembre, les députés ont voté en première lecture l’article 45 bis du PLFSS 2026, actant une mise en pause de la réforme « Borne » jusqu’au 1er janvier 2028. Cette réforme, entrée en vigueur en septembre 2023, devait porter progressivement l’âge légal de départ à 64 ans et allonger la durée de cotisation à 172 trimestres. Avec la suspension votée, tout est figé : l’âge légal reste à 62 ans et 9 mois, la durée d’assurance à 170 trimestres.
Les débats ont été particulièrement vifs, chaque groupe politique défendant sa ligne. Certains élus ont mis en avant l’urgence sociale de permettre à des millions de Français de partir trois mois plus tôt, d’autres ont dénoncé une mesure budgétairement risquée ou politiquement opportuniste. Finalement, c’est un fragile équilibre entre alliances de circonstances, abstentions et positions stratégiques qui a permis l’adoption de ce texte.
Un amendement gouvernemental déposé le jour même est toutefois venu en modifier significativement la portée : non seulement il étend la suspension aux personnes nées au 1er trimestre 1965 ainsi qu’aux carrières longues et catégories actives, mais il repousse surtout son application au 1er septembre 2026.
« Un coup dur, un coup bas »
Le gouvernement justifie ce report par un argument technique : les caisses de retraite auraient besoin de temps pour adapter leurs systèmes d’information. Elles doivent en effet recalculer les conditions de départ de plusieurs catégories d’assurés, y compris ceux bénéficiant d’un départ anticipé pour carrière longue, invalidité ou inaptitude. Selon l’exposé des motifs, cette date serait donc nécessaire pour garantir une mise en œuvre fiable et homogène.
Mais ce délai suscite de fortes critiques. Pour MoneyVox, qui a analysé en détail cet amendement, ce décalage de huit mois constitue « un coup dur, un coup bas » pour les assurés concernés par un départ anticipé. En effet, derrière la justification technique se cachent des situations individuelles parfois lourdes de conséquences.
Les personnes nées en 1964 ou 1965 qui partiront à l’âge légal ne seront globalement pas pénalisées : leur départ interviendra de toute façon fin 2026 au plus tôt. En revanche, les actifs en carrière longue, dont le départ est souvent prévu plusieurs mois avant l’âge légal, sont clairement les perdants de ce calendrier.
Un exemple, issu d’une question de lecteur reprise par MoneyVox, l’illustre parfaitement : une personne née le 4 janvier 1965, disposant de 10 trimestres avant 20 ans, pouvait prétendre à un départ en carrière longue dès le 1er août 2026. Or la suspension ne s’appliquant qu’à partir du 1er septembre, cette personne partira sans bénéficier de l’allègement d’un trimestre qui aurait été rendu possible par la pause de la réforme. Concrètement, elle partira trop tôt pour profiter de la mesure… alors même qu’elle fait partie des principaux publics concernés.
De nombreux dossiers similaires devraient être touchés : tous ceux dont la date de départ anticipé se situe avant septembre 2026 resteront soumis aux règles de la réforme Borne, malgré la suspension votée.








