Alors que la suspension de la réforme des retraites semblait acquise, une zone d’ombre vient raviver le doute des futurs retraités. Derrière l’annonce politique, plusieurs catégories pourraient être exclues du dispositif, à commencer par les carrières longues.
Jeudi 23 octobre, le Conseil des ministres a validé la lettre rectificative intégrant la suspension de la réforme des retraites dans le projet de budget 2026. Le texte, porté par Sébastien Lecornu, prévoit un retour partiel en arrière sur la loi Dussopt de 2023. En clair, les générations nées entre 1964 et 1968 devraient pouvoir partir trois mois plus tôt que prévu. Mais selon plusieurs médias, tous les assurés ne bénéficieront pas de cette mesure.
Les carrières longues, les grandes oubliées
Le flou concerne principalement les carrières longues, c’est-à-dire les salariés ayant commencé à travailler avant 20 ans et cotisé suffisamment pour un départ anticipé. La lettre rectificative ne précise pas leur cas, laissant craindre qu’ils ne soient pas inclus dans la suspension. Or, ils représentaient, en 2024, plus de 118 000 départs sur les 652 000 recensés, selon les chiffres du ministère du Travail. Une population importante, longtemps considérée comme « gagnante » de la réforme précédente, mais désormais exclue du geste politique.
Un haut fonctionnaire, cité par Le Parisien, justifie cette absence : « Leur trajectoire est déjà plus favorable que celle du droit commun. On ne peut pas leur accorder le fromage et le dessert ». D’autres y voient surtout une décision budgétaire. Le coût de la suspension, initialement estimé à 1,8 milliard d’euros, a été réévalué à 1,4 milliard dans le document présenté jeudi. Une économie qui pourrait bien provenir de l’exclusion des carrières longues et de certains régimes spéciaux.
Une suspension au goût amer
Pour les syndicats et une partie de la gauche, cette exclusion est incompréhensible. « Nous serons vigilants à ce que les carrières longues soient bien incluses dans la suspension », prévient un élu socialiste, interrogé par Le Parisien. D’autant que la mesure, présentée comme un geste d’équité, risque de créer de nouvelles inégalités entre générations.
Au-delà de la question d’équité, plusieurs experts alertent sur les effets économiques de cette suspension. Dans une tribune publiée par l’Opinion, les spécialistes Emmanuel Grimaud et Cyril Cuënot estiment que « le vrai problème n’est pas l’âge de départ, mais le faible taux d’emploi des seniors ». Selon eux, reculer l’âge légal de départ contribuait à maintenir davantage de seniors en activité, augmentant les cotisations et réduisant le déficit du système. Sans ce levier, préviennent-ils, « la France pourrait voir s’envoler la dette des retraites à plus de 350 milliards d’euros d’ici 2045 ».
Et maintenant ?
Si la suspension satisfait à court terme une partie de l’opinion, elle laisse donc plusieurs zones grises. Les carrières longues, les régimes spéciaux et certains profils atypiques risquent d’être laissés de côté. Pour ces assurés, la promesse d’un allègement se transforme en déception. Et pour le gouvernement, un casse-tête de plus dans une réforme des retraites décidément impossible à apaiser








