Le système de santé suisse, réputé pour son modèle hybride combinant assurance publique et privée, traverse une période de turbulences liées à la hausse des primes d’assurance maladie. Alors que les assurés doivent faire face à une augmentation constante des coûts, les salaires des dirigeants des caisses d’assurance maladie suscitent de vives réactions.
La proposition des Verts, portée par la conseillère nationale Sophie Michaud Gigon, de plafonner ces rémunérations à hauteur de celle d’un conseiller fédéral (478 000 francs par an) s’inscrit dans un contexte de frustration croissante vis-à-vis de ce que certains perçoivent comme des rémunérations excessives. Cette initiative, cependant, se heurte à une vive opposition, tant du côté de la droite politique que des caisses elles-mêmes, qui jugent cette mesure inefficace et contre-productive.
Une rémunération jugée excessive dans un contexte de crise des primes
L’élément déclencheur de la proposition des Verts est un classement publié en juin 2024, mettant en lumière les salaires des dirigeants des grandes caisses d’assurance maladie. Selon cette étude, le directeur de Sanitas, Andreas Schönenberger, a touché un salaire annuel de près d’un million de francs, soit exactement 976 000 francs, tandis que la directrice de la CSS, Philomena Colatrella, a perçu 851 678 francs. Des chiffres qui ont provoqué un tollé au sein du public, notamment auprès des Verts, qui estiment que ces rémunérations sont totalement disproportionnées au regard des charges imposées aux assurés.
Sophie Michaud Gigon, figure emblématique du parti, a qualifié ces salaires d’ »indécents » et a souligné qu’ils sapent la confiance dans le système de santé solidaire. Selon elle, ces montants, payés en fin de compte par les assurés eux-mêmes, sont insoutenables dans un contexte où les primes d’assurance maladie ne cessent d’augmenter, relate 20min. La motion qu’elle a déposée fin septembre propose donc un plafond salarial pour ces dirigeants, aligné sur celui des conseillers fédéraux, estimant que les caisses, bien qu’elles soient des entités privées, remplissent une mission quasi étatique en gérant l’assurance obligatoire.
Les Verts estiment que cette mesure pourrait restaurer une certaine équité et renforcer la crédibilité du système de santé, en s’attaquant à un des aspects les plus controversés du modèle d’assurance maladie suisse : l’énorme écart de salaires entre les dirigeants et les assurés. « Ces salaires excessifs sont au final payés par les assurés », a déclaré Michaud Gigon, soulignant l’aspect injuste d’une telle situation pour les citoyens.
L’opposition des partis de droite et des caisses d’assurance
La proposition des Verts de plafonner les salaires des dirigeants des caisses d’assurance maladie rencontre une forte opposition, notamment de la part des partis de droite. Pour eux, une telle mesure serait contre-productive et ne résoudrait pas la problématique des coûts de la santé. Le sénateur Peter Hegglin (C/ZG) a ainsi souligné que les coûts du système de santé ne proviennent pas uniquement des assureurs, mais aussi des prestataires de soins tels que les hôpitaux, les laboratoires, les médecins ou les entreprises pharmaceutiques. « Si on veut plafonner, il faut le faire pour tous les acteurs. Ce qui me semble peu réaliste », a-t-il ajouté. De plus, cette mesure ne pourrait s’appliquer qu’à l’assurance de base, car les complémentaires relèvent du secteur privé, ce qui en ferait une « ingérence étatique dans l’économie privée », selon lui.
De son côté, le conseiller national Thomas de Courten (UDC/BL) a mis en avant l’inefficacité d’un plafonnement des salaires des dirigeants en termes d’impact sur les primes d’assurance maladie. Selon lui, une telle mesure aurait un impact négligeable sur les coûts, estimant que la réduction des salaires des dirigeants n’aurait même pas pour effet de diminuer les primes d’un franc. Il a proposé de laisser simplement le choix aux assurés de changer de caisse maladie si les salaires des dirigeants leur semblaient trop élevés, suggérant que la concurrence régule elle-même les rémunérations.
Les caisses elles-mêmes se montrent également fermement opposées à cette idée. La CSS, par exemple, a estimé qu’un plafonnement des salaires serait problématique, car il violerait le principe d’égalité de traitement entre les différents acteurs du marché. Selon elle, seuls 3,7 centimes par franc de prime sont utilisés pour les frais internes, et la régulation des salaires des dirigeants n’aurait qu’un impact marginal sur les coûts des primes. Sanitas, pour sa part, souligne que ses rémunérations sont alignées sur les standards du marché, et que des dirigeants d’institutions comparables, telles que la Suva ou Postfinance, bénéficient de salaires similaires. Un plafonnement des salaires, pour elle, constituerait une atteinte majeure à la liberté entrepreneuriale.








