Réforme de la valeur locative : ce sont les ménages endettés qui en paieront l’addition

L’abolition de la valeur locative en Suisse pourrait alléger les impôts des propriétaires mais risquerait d’aggraver la situation des endettés.

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Réforme de la valeur locative
Réforme de la valeur locative : ce sont les ménages endettés qui en paieront l'addition : Crédit : Canva | Econostrum.info - Suisse

La question de la valeur locative en Suisse est au cœur d’un débat politique et fiscal qui dure depuis des décennies. Le 28 septembre 2025, un référendum pourrait marquer la fin de ce long processus législatif, avec la possibilité d’abroger la valeur locative. Bien que cette réforme bénéficie principalement aux propriétaires, elle présente également un risque de conséquences imprévues pour un autre groupe de contribuables : les personnes endettées. 

En supprimant la déduction des intérêts passifs sur les crédits à la consommation, la réforme pourrait alourdir la situation financière de nombreux ménages, déjà fragilisés par leurs dettes. Cette réforme complexe soulève donc des inquiétudes légitimes, notamment auprès des spécialistes qui dénoncent un déséquilibre dans la manière dont elle touche différents types d’emprunts.

L’impact sur les emprunteurs : une lourde charge fiscale supplémentaire

La principale mesure de la réforme est l’abolition de la valeur locative, une taxe qui concerne principalement les propriétaires d’immobilier. Si cette décision leur permet de bénéficier de réductions fiscales importantes, elle comporte également des contreparties qui risquent de frapper certains contribuables de manière inattendue. L’un des compromis discutés au Parlement est la suppression de la déduction des intérêts passifs sur les crédits à la consommation, tels que les prêts pour l’achat de biens personnels, les crédits pour l’achat de véhicules, ou encore les prêts pour la formation.

Actuellement, les intérêts passifs sur ces crédits peuvent être déduits du revenu imposable, dans une limite de 50 000 francs, ce qui permet de réduire la base fiscale des emprunteurs. La réforme prévoit donc la suppression de cette déduction, touchant directement les personnes qui ont contracté des prêts à la consommation. Selon les données de la centrale d’information de crédit, fin 2024, on comptait 368 873 crédits à la consommation en Suisse, représentant un total de plus de 9 milliards de francs, relate Watson. La perte de cette déduction fiscale pourrait donc engendrer un surcoût pour des centaines de milliers de ménages suisses, qui risquent de se retrouver dans une situation encore plus difficile.

Les spécialistes du secteur, tels que Pascal Pfister, directeur de Dettes conseils Suisse, et Daniel Alder, directeur adjoint de la Fédération Suisse du Financement à la Consommation (FCS), expriment leurs inquiétudes concernant cette réforme. Selon Pfister, la suppression de la déduction des intérêts passifs ne devrait pas être liée à la question de l’imposition de la propriété, soulignant qu’il s’agit d’un « lien artificiel » qui affecte directement les emprunteurs sans rapport avec les problématiques immobilières. Pour lui, cette décision représente une nette détérioration de la situation financière des endettés.

Une réforme favorable aux propriétaires mais inégale pour les crédits à la consommation

D’un point de vue plus global, les défenseurs de la réforme, y compris certains parlementaires, considèrent que la mesure vise à simplifier le système fiscal suisse. Daniela Schneeberger, conseillère nationale et partisan de la réforme, explique que la suppression des déductions fiscales sur les crédits à la consommation est un compromis nécessaire pour alléger le système fiscal. D’après elle, les crédits à la consommation ne représentent qu’une part marginale des dettes en Suisse, comparée aux prêts hypothécaires, qui s’élèvent à plus de 1000 milliards de francs en 2024, contre seulement 20 milliards pour les crédits à la consommation.

L’Administration fédérale des contributions soutient cette analyse, en estimant que la réforme aura un impact minime sur les recettes fiscales suisses à long terme. En effet, la grande majorité des dettes privées concerne les hypothèques, et selon les prévisions, la suppression de la déduction fiscale des intérêts passifs sur les crédits à la consommation ne devrait pas avoir d’effets significatifs à l’échelle macroéconomique. Cependant, cette analyse fait l’impasse sur les conséquences immédiates pour les personnes endettées, pour qui même une petite déduction fiscale peut faire une différence importante.

Ainsi, bien que la réforme soit conçue pour simplifier et équilibrer la fiscalité, elle présente un effet secondaire qui touche de manière disproportionnée les consommateurs les plus vulnérables. D’après les experts, la suppression de cette déduction pourrait exacerber les difficultés financières des ménages déjà en situation d’endettement.

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