Frontaliers aux commandes des postes RH : Genève est-elle vraiment une ville pour les Suisses ?

Bien que près de 45 % des responsables RH à Genève soient frontaliers, les mécanismes de protection de l’emploi local tempèrent cette statistique.

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Frontaliers aux commandes des postes RH : Genève est-elle vraiment une ville pour les Suisses ? : Crédit : Francais en Suisse | Econostrum.info - Suisse

La question de la proportion de responsables des ressources humaines (RH) frontaliers à Genève a fait l’objet de nombreuses discussions récemment, notamment après la nomination d’une DRH frontalière aux Transports publics genevois (TPG) en septembre 2025. Des commentaires circulent sur les réseaux sociaux, suggérant que cette tendance pourrait favoriser l’embauche de frontaliers dans les entreprises locales. 

Pourtant, les données disponibles nuancent cette vision, et il apparaît que les relations entre les responsables RH et les recrutements ne sont pas aussi simples qu’elles n’en ont l’air. Ce débat soulève des interrogations sur l’impact réel de cette dynamique sur le marché de l’emploi genevois, et sur la manière dont les entreprises gèrent cette dualité entre travailleurs locaux et frontaliers.

Des chiffres impressionnants, mais à nuancer

Les dernières statistiques disponibles, provenant de l’Office fédéral de la statistique (OFS) et de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) français, révèlent des chiffres surprenants concernant la proportion de responsables RH frontaliers dans le canton de Genève. Selon les données de 2022, il y aurait 652 frontaliers français occupant des postes de « cadres spécialistes des ressources humaines et du recrutement » dans le canton de Genève pour le secteur privé, relate la RTS. Comparativement, le même canton comptait 726 cadres et directeurs RH résidant en Suisse, selon l’OFS.

En croisant ces données, on arrive à la conclusion qu’environ 45 % des responsables RH dans le canton de Genève seraient des travailleurs frontaliers, un chiffre impressionnant. Toutefois, ce pourcentage doit être interprété avec prudence. Les statistiques des deux organismes ne concernent pas exactement les mêmes catégories professionnelles et n’intègrent pas toutes les nuances du marché de l’emploi. Xavier Studer, porte-parole de l’OFS, rappelle qu’il faut toujours se méfier des interprétations hâtives : « Ce n’est pas parce que deux courbes ont l’air d’aller dans le même sens qu’il y a un lien de cause à effet direct », explique-t-il. En effet, bien que les données donnent un aperçu intéressant de la situation, elles ne permettent pas d’établir de lien direct entre la présence de frontaliers dans les RH et une éventuelle préférence dans l’embauche de frontaliers pour ces postes.

Mécanismes de protection pour l’embauche locale

Contrairement aux idées reçues, la politique suisse en matière d’emploi privilégie en réalité la protection des travailleurs locaux. Depuis l’entrée en vigueur de la libre circulation des travailleurs en 2002, la Suisse a mis en place des mécanismes pour favoriser l’embauche de résidents suisses dans des secteurs où le taux de chômage est élevé. Concrètement, les entreprises doivent publier leurs offres d’emploi durant cinq jours auprès des offices régionaux de placement (ORP) afin de favoriser l’embauche locale.

Cependant, ces mécanismes de préférence cantonale ne sont pas sans limites et suscitent parfois des critiques. « C’est honnêtement extrêmement rare qu’au bout d’une semaine, j’arrête une publication », confie Valérie Ballet, experte en ressources humaines. « C’est généralement au bout de deux semaines que l’on prend en compte les candidatures reçues », précise-t-elle. Ainsi, bien qu’il existe une obligation légale de privilégier les travailleurs résidents, la pratique montre que ce système n’est pas toujours aussi rigide qu’il pourrait paraître. Ce délai permet aux recruteurs d’examiner plus largement les candidatures et d’intégrer des profils non résidents lorsque cela est nécessaire.

En outre, il est important de souligner que l’augmentation du nombre de frontaliers ne s’est pas accompagnée d’une hausse notable du chômage dans les cantons concernés. Depuis 2002, le nombre de frontaliers a en effet augmenté de 250 %, mais les données ne montrent pas une relation directe avec une hausse du chômage. La courbe du nombre de chômeurs dans les cantons frontaliers, comme le souligne l’émission Vraiment de la RTS, est restée stable, ce qui indique que le marché de l’emploi genevois reste relativement équilibré malgré l’afflux de travailleurs étrangers.

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