Le franc suisse atteint un sommet historique face à l’euro et au dollar

Le franc suisse atteint des sommets face à l’euro et au dollar. Une envolée qui redistribue les cartes entre gagnants et perdants de l’économie helvétique.

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Franc suisse
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Le 10 avril, le franc suisse a atteint 0,9273 pour un euro, établissant un record historique, tandis que le dollar tombait à 0,8141 franc, son point le plus bas. Ce phénomène survient malgré le maintien d’un taux directeur très bas par la Banque nationale suisse (BNS), fixé à 0,25 %, le plus faible parmi les grandes banques centrales.

Cette dynamique place la Suisse dans une position paradoxale : la monnaie la plus forte du monde couplée à une politique monétaire extrêmement accommodante. Les conséquences sont multiples, contrastées, et touchent différemment les consommateurs, les exportateurs et les frontaliers.

Une monnaie dopée par l’insécurité mondiale

L’envolée du franc suisse trouve sa source dans l’instabilité géopolitique internationale, et plus précisément dans la politique commerciale de Donald Trump. Depuis le 4 avril, les décisions erratiques de l’ancien président américain, mêlant incertitudes et revirements, ont poussé les investisseurs à se détourner du dollar. Le franc, perçu comme une valeur refuge, en a profité pour s’apprécier fortement.

Selon Blick, chaque crise internationale tend à renforcer le franc, car il reste perçu comme l’une des monnaies les plus stables au monde. Cette dynamique s’explique aussi par les politiques de dévaluation menées sur l’euro et le dollar, rendant difficile l’affaiblissement du franc face aux partenaires commerciaux de la Suisse.

La BNS, malgré ses efforts répétés, n’est pas parvenue à inverser cette tendance. Elle se retrouve désormais dans une situation délicate : toute nouvelle intervention risquerait de provoquer des représailles des États-Unis, qui avaient déjà inscrit la Suisse sur la liste des pays manipulateurs de monnaie en 2023. Le directeur de la banque Mirabaud, John Plassard, rappelle également que la politique de taux négatifs n’a pas été un tournant décisif lors de la période 2014-2022.

Les exportateurs suisses en difficulté

Les premiers à pâtir de cette situation sont les exportateurs suisses. Selon John Plassard, la hausse du franc renchérit automatiquement les produits et services suisses à l’étranger, rendant la Suisse moins compétitive face à ses voisins. Cela concerne aussi bien les biens industriels que les services, comme le tourisme.

Le tourisme helvétique devient ainsi une destination coûteuse pour les Européens et les Américains. Par ailleurs, les droits de douane imposés par les États-Unis accentuent les difficultés.

Depuis le 5 avril, des droits de base de 10 % sont en vigueur, et ce, malgré une suspension partielle de 90 jours. Depuis le 25 mars, des droits de douane de 25 % s’appliquent également sur l’aluminium et l’acier.

La BNS, bien qu’attendue sur ce terrain, dispose d’une marge de manœuvre limitée. Swissmem, faîtière de l’industrie des machines, de l’équipement électrique et des métaux, plaide pour une intervention, mais les options sont restreintes sans risquer une nouvelle désignation de manipulation monétaire par le Trésor américain.

Un franc fort, bouclier pour les consommateurs et aubaine pour les frontaliers

En parallèle, certains tirent pleinement profit de la situation. Les consommateurs suisses bénéficient d’un rempart contre l’inflation importée. Comme l’explique John Plassard dans le média helvétique, la vigueur du franc protège la population des hausses de prix venues d’Europe ou des États-Unis, où les anticipations d’inflation sont très fortes.

Les investisseurs détenant des actifs libellés en francs suisses font également partie des bénéficiaires : la revente de ces actifs, convertis ensuite en euros ou en dollars, génère des plus-values sur les changes. Cette rentabilité attire les capitaux étrangers vers les actifs suisses.

Les gagnants les plus nets sont néanmoins les frontaliers. Le média cite le cas d’un travailleur arrivé en Suisse début 2018, qui témoigne d’une augmentation de pouvoir d’achat de 26 % en sept ans, uniquement grâce à l’appréciation du franc face à l’euro, sans changement de salaire. En avril 2018, l’euro valait 0,83 franc ; aujourd’hui, il faut 1,07 franc pour obtenir un euro.

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