Le canton d’Argovie a récemment adopté une mesure qui modifie un privilège historique pour ses fonctionnaires : la suppression de la demi-journée fériée du 1er mai. Cette décision, validée par le parlement cantonal, vise à rationaliser les coûts liés aux jours fériés et à aligner les conditions de travail du secteur public sur celles du secteur privé.
Toutefois, cette réforme a suscité une vive opposition de la part de certains partis politiques, notamment le Parti Socialiste (PS), qui considère cette initiative comme un « coup d’éclat populiste ». Ce changement marque une nouvelle étape dans l’adaptation des pratiques publiques aux réalités économiques actuelles, mais il soulève aussi des interrogations sur ses impacts sociaux et sur l’attractivité du canton.
Une mesure économique visant à harmoniser les jours fériés
La décision du parlement d’Argovie, qui a voté en faveur de la suppression de la demi-journée fériée du 1er mai pour les fonctionnaires, s’inscrit dans un contexte de recherche de compétitivité économique. Actuellement, le personnel de l’État argovien bénéficie de 10,5 jours fériés par an, contre neuf jours dans le secteur privé. Cette différence a été perçue comme un désavantage pour les petites et moyennes entreprises (PME), qui se retrouvent confrontées à une concurrence de plus en plus forte pour attirer des travailleurs qualifiés.
Les défenseurs de la réforme, à savoir principalement l’Union Démocratique du Centre (UDC) et le Parti Libéral-Radical (PLR), avancent que la suppression de cette demi-journée permettrait de rééquilibrer les avantages accordés au secteur public et privé. De plus, en augmentant la durée de travail d’une demi-journée par an, cela représenterait l’équivalent de plus de 25 postes à plein temps selon les calculs des partisans de la réforme. Un argument supplémentaire avancé par les élus est que, dans un contexte où l’économie tourne à plein régime, l’administration publique, qui reste partiellement à l’arrêt une demi-journée chaque 1er mai, ne contribue pas à l’efficacité générale du canton.
En chiffres, la réforme pourrait donc apporter un double bénéfice : une optimisation des coûts et une contribution à l’effort global d’efficacité économique. En permettant aux fonctionnaires de travailler durant l’après-midi du 1er mai, l’administration pourrait ainsi alléger ses dépenses liées à la gestion de jours fériés tout en libérant des ressources humaines. Ce type de mesure, jugé pragmatique par ses promoteurs, vise à alléger le poids de la fonction publique tout en augmentant sa productivité.
Réactions politiques et sociales : l’impact sur les fonctionnaires et l’attractivité du canton
La décision d’Argovie n’a pas manqué de provoquer des réactions négatives, notamment de la part du gouvernement cantonal et du Parti Socialiste. Le gouvernement, qui s’est opposé à la réforme, a exprimé des préoccupations quant à l’impact de la suppression de la demi-journée sur plus de 17 000 fonctionnaires, y compris les enseignants. Ces derniers, déjà confrontés à des salaires relativement bas comparés à d’autres cantons suisses, pourraient voir dans cette mesure une dégradation de leurs conditions de travail. Le PS a qualifié cette réforme de « coup d’éclat populiste », relate Watson. Estimant que l’Argovie risquait de perdre davantage son attractivité pour les enseignants et autres fonctionnaires, dans un contexte déjà marqué par une pénurie de personnel dans certains secteurs.
Depuis la fin des années 1960, la demi-journée chômée du 1er mai faisait partie des avantages spécifiques accordés aux fonctionnaires argoviens. Le gouvernement, au contraire, plaidait pour une révision plus globale des jours fériés dans le cadre d’une révision du droit du personnel, et non pour une suppression ponctuelle de cette demi-journée. L’argument avancé par le gouvernement est que, bien que la rationalisation des coûts soit importante, il est essentiel de préserver les avantages sociaux des fonctionnaires, en particulier dans un contexte où la qualité de l’enseignement et des services publics en souffre déjà.
Les critiques des syndicats et des partis de gauche se concentrent également sur les conséquences potentielles pour la motivation des employés publics. Si la suppression de ce jour férié peut sembler une mesure anecdotique, elle pourrait symboliser une tendance plus large à réduire les avantages des fonctionnaires, ce qui risque de miner l’engagement des employés publics. Les enseignants, déjà soumis à des conditions de travail exigeantes, pourraient voir cette décision comme une nouvelle perte de reconnaissance et un signal négatif concernant l’avenir de leur profession dans le canton.
Une réforme marquée par des disparités cantonales
En Suisse, les jours fériés varient considérablement d’un canton à l’autre, et cette réforme met en lumière ces disparités. Tandis que certains cantons comme le Jura, Neuchâtel, les deux Bâles, Zurich, Schaffhouse, Thurgovie et Tessin observent un jour férié complet pour la fête du Travail, d’autres, comme Soleure, accordent seulement une demi-journée. Genève, quant à lui, n’accorde un jour de congé que pour ses fonctionnaires. Cette diversité crée une mosaïque de pratiques qui peut rendre difficile la gestion des attentes des travailleurs entre secteurs public et privé à travers les cantons. En supprimant cette demi-journée fériée, l’Argovie pourrait donc s’aligner davantage sur des cantons voisins, mais cette uniformisation soulève des questions sur l’équité entre les cantons.








