Le 27 mars 2024, lors de la présentation des résultats financiers de Genève, la ministre des Finances, Nathalie Fontanet, a annoncé un excédent de 541 millions de francs pour le canton. Ce chiffre, qui fait de Genève le canton le plus riche de Suisse cette année-là, est à mettre en perspective avec la situation moins favorable de Vaud, qui a enregistré un déficit de 369 millions de francs. Cependant, cette situation positive ne sera probablement pas durable sur le long terme.
En effet, la ministre a averti que la contribution de Genève à la péréquation financière intercantonale devrait augmenter dans les années à venir, au fur et à mesure que les résultats exceptionnels des entreprises genevoises en 2022 et 2023 se normalisent. La péréquation, qui repose sur un calcul basé sur un décalage de quatre ans, pourrait en effet entraîner une hausse de la contribution de Genève dès 2028, bien que ces chiffres ne soient pas encore définitifs, relate la Tribune de Genève.
La montée en puissance de Genève dans la péréquation
Le système de péréquation en Suisse vise à redistribuer les ressources des cantons économiquement forts vers les plus faibles. Il repose sur deux éléments principaux : la péréquation des ressources et la compensation des charges.
La péréquation des ressources mesure la capacité économique d’un canton en fonction des revenus et des fortunes imposables des personnes physiques et des entreprises. Genève, avec ses entreprises prospères et sa forte activité économique, est un contributeur important à ce système.
Si l’on prend les prévisions actuelles, selon l’institut BAK, Genève pourrait devenir le plus grand contributeur à la péréquation des ressources d’ici 2028, devant Zoug et Zurich, avec un montant estimé à 602 millions de francs. Un tel changement aurait des implications profondes, car Genève n’a jamais occupé cette position de leader depuis l’introduction de ce mécanisme en 2008.
Actuellement, en 2025, Zurich est le premier contributeur à la péréquation, avec 456 millions de francs, suivi de Zoug (435 millions) et de Genève (414 millions). Cependant, ces chiffres ne tiennent pas compte de la compensation des charges, qui pourrait moduler ces montants. Par exemple, le paiement compensatoire net pour Genève en 2025 est estimé à 253 millions, contre 419 millions pour Zurich et 431 millions pour Zoug.
Un effet sur l’image de Genève et de la Suisse romande
La montée en puissance de Genève dans la péréquation pourrait modifier la perception de la Suisse romande, souvent perçue comme une région moins contributive au système fédéral suisse. Depuis longtemps, certains médias et politiciens alémaniques ont tendance à considérer les Romands comme des « profiteurs » du système suisse.
Cependant, la performance exceptionnelle de Genève dans la péréquation pourrait remettre en question cette image. Olivier Feller, député vaudois, a souligné, au média helvétique, que cela reflète bien le dynamisme économique de Genève et de l’arc lémanique en général, qui devient de plus en plus un moteur économique majeur du pays.
Cette évolution pourrait également inciter la Suisse alémanique à revoir sa perception de la Romandie, et notamment à mieux prendre en compte les besoins en infrastructures dans cette région, qui souffre encore de certains retards dans ce domaine.
Le sénateur Charles Juillard, quant à lui, rappelle qu’une telle position pourrait changer la façon dont les Romands sont perçus, notamment dans les parlements cantonaux alémaniques, où l’idée des « Grecs de la Suisse » reste ancrée dans certains esprits. Selon lui, cette évolution démontre non seulement la force économique de la Suisse romande, mais aussi son rôle clé dans la construction de l’État fédéral.
La gestion à venir des finances genevoises
Si la place de Genève dans la péréquation est une source de fierté, elle pourrait aussi entraîner des défis budgétaires. En effet, bien que le canton affiche un excédent en 2024, Nathalie Fontanet rappelle que la situation économique future reste incertaine. Les prévisions pour 2028 et 2029 ne sont pas encore définitives, mais elles reposent sur un calcul effectué avec un décalage de quatre ans.
Cela signifie que les versements supplémentaires que Genève devra réaliser seront basés sur les résultats économiques des années 2022, 2023 et 2024. Cette dynamique pourrait entraîner des ajustements budgétaires importants dans les prochaines années.
La ministre des Finances insiste également sur le fait que ces augmentations dans la péréquation des ressources ne doivent pas être interprétées comme une forme d’enrichissement pour Genève, mais plutôt comme une redistribution nécessaire pour soutenir les cantons les plus faibles.
Geneva devra donc se préparer à intégrer ces versements supplémentaires dans ses budgets futurs, alors que l’économie pourrait se stabiliser, voire se contracter dans les années à venir. Le mécanisme de péréquation, bien qu’accepté par la population genevoise, pourrait créer une forme de tension si les prévisions de 2028 ne correspondent pas à la réalité économique du canton. Comme l’a souligné Fontanet, ces ajustements devront être intégrés dans des exercices budgétaires qui pourraient être moins favorables que ceux observés aujourd’hui.