Le régime fiscal des pensions de retraite inclut un abattement de 10 %, permettant une réduction d’impôt automatique pour tous les retraités. Son coût pour les finances publiques pousse certains experts à en réclamer la suppression. Mais cette proposition, qui divise économistes et syndicats, relance le débat sur la fiscalité des retraités.
Depuis plusieurs décennies, les retraités bénéficient d’un abattement fiscal de 10 % sur leurs pensions, qu’elles proviennent du régime général de la Sécurité sociale ou des régimes complémentaires comme Agirc-Arrco. Cet allègement est appliqué directement sur l’assiette de calcul de l’impôt sur le revenu.
Toutefois, il est plafonné à 4 321 euros par foyer fiscal, ce qui signifie que les pensions les plus élevées ne bénéficient pas pleinement de cette réduction. Contrairement aux actifs, qui disposent, eux aussi, d’un abattement de 10 %, mais justifié par des frais professionnels, celui des retraités est davantage perçu comme une dépense fiscale sans contrepartie.
Un manque à gagner pour les finances publiques
Selon un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, publié en octobre 2024, le coût total de cet abattement pour l’État s’élève à 4,7 milliards d’euros chaque année. Cet argent pourrait, selon certains experts, être réorienté vers le financement des retraites ou d’autres politiques sociales.
L’économiste Gilbert Cette, président du Conseil d’orientation des retraites (COR), soutient cette analyse et plaide pour une suppression progressive de cet avantage fiscal. Le Medef, principal syndicat patronal, appuie cette proposition en insistant sur la nécessité de rééquilibrer les dépenses publiques.
L’une des critiques majeures faites à cet abattement est son bénéfice inégalitaire. En effet, selon le Conseil des prélèvements obligatoires, cet avantage fiscal concerne en majorité les retraités les plus imposés.
Le gain moyen serait de 1 855 euros par an pour les foyers situés dans les tranches les plus élevées d’imposition, tandis que les retraités non imposables n’en tirent aucun avantage. Cette situation alimente le débat sur l’équité du dispositif et pose la question d’un rééquilibrage fiscal en faveur des plus modestes.
Une suppression de l’abattement de 10 % inquiète les syndicats
Face à cette proposition, plusieurs syndicats, dont la CGT et la CFTC, dénoncent une mesure qui alourdirait la fiscalité des retraités à un moment où leur pouvoir d’achat est fragilisé par l’inflation et les réformes successives des retraites.
Ils estiment que supprimer cet abattement reviendrait à augmenter l’impôt sur le revenu des retraités, ce qui pourrait entraîner une baisse de leur consommation et, par ricochet, avoir un effet négatif sur l’économie. Ces organisations syndicales rappellent également que les retraités ne bénéficient plus d’exonérations liées à l’activité professionnelle et sont donc déjà désavantagés sur le plan fiscal.
La remise en cause de cet abattement fiscal s’inscrit dans un contexte plus large de réforme du financement des retraites. Avec le vieillissement de la population et l’augmentation des dépenses sociales, l’État cherche à identifier de nouvelles sources de financement.
La question reste cependant sensible : toute modification de la fiscalité des retraités est perçue comme une menace sur leur niveau de vie, d’autant plus que ces derniers représentent une part importante du corps électoral.
L’abattement de 10 % sur les pensions de retraite cristallise ainsi un affrontement entre justice fiscale et nécessité budgétaire. Sa suppression, si elle était décidée, impacterait directement des millions de retraités et risquerait de relancer les tensions sociales autour de la question des retraites et du pouvoir d’achat.