Scandale Perrier : comment l’État a caché la contamination des eaux pour protéger Nestlé

Un rapport sénatorial accuse l’État d’avoir dissimulé la pollution des eaux minérales de Nestlé Perrier.

Publié le
Lecture : 2 min
Nestlé
Scandale Perrier : comment l’État a caché la contamination des eaux pour protéger Nestlé. Crédit : FABRICE COFFRINI/AFP | Econostrum.info

Un rapport sénatorial accablant révèle un système de pressions politiques et administratives exercées pour protéger Nestlé dans l’affaire des eaux contaminées. L’enquête, lancée après des révélations de Radio France et Le Monde en janvier 2024, démontre comment des contaminations des sources Perrier ont été dissimulées par des modifications de documents officiels, en lien avec des cabinets ministériels et le préfet du Gard. 

En décembre 2023, l’Agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie a préparé un rapport destiné au Coderst du Gard, censé évaluer les conditions d’exploitation de nouvelles sources par Perrier. Le rapport initial faisait état de pesticides interdits, de PFAS, de chlorates, de bactéries E. coli et entérocoques dans les eaux brutes. Mais à la suite d’échanges entre Nestlé, le préfet du Gard, le cabinet de la ministre de la Santé et la direction de l’ARS, plusieurs passages ont été supprimés.

Dans un courriel interne, un fonctionnaire de l’ARS écrit : « Je n’ai pas d’avis sur cette contre-proposition du rapport Coderst […] à la seule précision qu’il ne correspond plus vraiment aux éléments rapportés […] Dans ce cas, je souhaite retirer ma signature du rapport », rapporte Le Monde. Ce nouveau rapport ne mentionnera finalement plus les données problématiques.

Des interventions en faveur de Nestlé jusqu’à l’Élysée

L’influence exercée sur les services de l’État ne s’arrête pas au niveau local. Le rapport affirme que l’Élysée était informé depuis 2022 de la situation. Malgré les alertes de la direction générale de la Santé, c’est bien l’exécutif qui a autorisé Nestlé à continuer ses traitements non conformes, selon la commission. Le rapport évoque un « arbitrage fautif au sommet de l’État », pointant directement la présidence de la République.

Les sénateurs dénoncent une « stratégie délibérée de dissimulation », et évoquent des « liaisons dangereuses » entre l’État et Nestlé. Le refus de Alexis Kohler de répondre à la commission est qualifié de « dérobade », conduisant à la publication de 74 pages d’échanges entre Nestlé et les services de l’État.

Des recommandations pour encadrer l’industrie

Face à ces dérives, la commission propose 28 recommandations, dont certaines à appliquer immédiatement : interdiction claire de la microfiltration, contrôle généralisé des 104 sites minéraliers, restrictions autour des gisements, et obligation de transparence sur les étiquettes. Les sénateurs demandent aussi que les boissons aromatisées comme « Maison Perrier » ne soient plus vendues comme eaux minérales naturelles.

Ce rapport marque un tournant dans la régulation des eaux en bouteille. Il pose la question de l’indépendance de l’administration face aux intérêts industriels et d’une nécessaire refondation des contrôles sanitaires.

Laisser un commentaire

Partages