Face à des besoins budgétaires croissants, l’exécutif réfléchit à la création d’un emprunt national destiné à financer les dépenses militaires. Cette mesure, qui n’a pas été utilisée depuis 1993, permettrait de mobiliser l’épargne domestique plutôt que de recourir aux marchés obligataires classiques. Mais cette solution comporte des enjeux financiers et économiques majeurs.
L’augmentation des tensions géopolitiques pousse la France à revoir à la hausse son budget militaire. Le président de la République souhaite consacrer 3 à 3,5 % du PIB à la Défense, contre 2,1 % actuellement. Cet effort budgétaire nécessiterait des financements supplémentaires, à l’image de la Pologne, qui consacre désormais plus de 4 % de son PIB à sa sécurité en ayant recours à l’endettement.
La France, confrontée à une dette publique déjà élevée, pourrait donc choisir d’impliquer directement ses citoyens via un emprunt national. Cette option, évoquée par plusieurs ministres, permettrait de limiter la dépendance aux marchés financiers internationaux en sollicitant directement l’épargne des Français.
Une épargne nationale abondante et convoitée
Selon Le Figaro, l’un des arguments en faveur de cette initiative repose sur le niveau exceptionnel de l’épargne des Français. Le Livret A et le LDDS cumulent actuellement plus de 600 milliards d’euros, tandis que le PEL et le LEP totalisent respectivement 220 milliards et 80 milliards d’euros.
Un emprunt sous forme d’obligations d’État pourrait séduire les épargnants, à condition d’offrir un taux d’intérêt attractif. Celui-ci devrait être supérieur aux 2,4 % du Livret A, sans dépasser le rendement actuel des obligations françaises sur les marchés internationaux (environ 3,6 %). Une incitation fiscale pourrait également être mise en place pour attirer davantage d’investisseurs.
Un dispositif aux conséquences incertaines
Si ce type d’emprunt pourrait permettre de réduire la dépendance aux capitaux étrangers, il pourrait également perturber certains secteurs économiques. En drainant une partie de l’épargne des Français, il risquerait de réduire les fonds collectés par les livrets d’épargne traditionnels, qui financent notamment le logement social et les collectivités locales.
Par ailleurs, plusieurs experts estiment que l’État français n’a actuellement aucun mal à emprunter sur les marchés internationaux. Dès lors, l’intérêt d’un emprunt national serait avant tout politique, visant à mobiliser l’opinion publique autour de l’effort de Défense dans un contexte de tensions internationales.
Un signal fort pour les marchés financiers ?
Certains économistes estiment que cette mesure pourrait rassurer les investisseurs internationaux. En impliquant directement les citoyens dans le financement de l’État, la France pourrait renforcer la stabilité de sa dette et réduire la volatilité de ses taux d’emprunt.
Toutefois, cette solution comporte des risques financiers. En 1993, l’emprunt national lancé sous le gouvernement d’Édouard Balladur avait généré 110 milliards de francs, mais ses coûts de gestion et de communication avaient été jugés trop élevés. Si une nouvelle opération devait être mise en place, le gouvernement devra veiller à éviter ces écueils pour assurer son efficacité budgétaire.