La productivité en France, en perte de vitesse depuis la pandémie, continue de se détériorer par rapport à ses voisins européens, selon un rapport du Conseil National de la Productivité (CNP). Les économistes se déchirent sur les causes de cette baisse, notamment l’impact de la politique d’apprentissage, la rétention de l’emploi et la désindustrialisation. Les défis sont nombreux, et la productivité reste inférieure à son niveau d’avant la crise sanitaire.
Dans son rapport publié lundi, le CNP brosse un tableau inquiétant de la productivité en France. Natacha Valla, présidente du CNP, a souligné que la productivité tricolore reste en dessous du niveau pré-covid. Malgré une réduction de l’écart de 3 points avec la période pré-pandémie, la France affiche encore un manque à gagner de 5,9 % par rapport à la productivité d’avant-crise. Les économistes du Conseil pointent des facteurs internes qui expliquent cette situation, et la question de savoir si la France retrouvera un jour le chemin de la productivité demeure un débat crucial.
L’impact de la politique d’apprentissage
L’une des principales causes avancées est la politique de l’apprentissage. Entre décembre 2019 et décembre 2023, le nombre de contrats d’apprentis a considérablement augmenté, passant de 465 000 à 1 million, rapporte La Tribune. Bien que cet accroissement de l’apprentissage ait contribué à une augmentation de l'emploi, il a également conduit à un déséquilibre avec la croissance économique. Cette « croissance riche en emplois », selon les économistes, a entraîné une réduction de la production de richesse par tête, un facteur négatif pour la productivité globale. Alors que les aides à l’apprentissage ont diminué et que l’activité a ralenti, la situation du marché du travail a montré des signes de stagnation.
Un autre facteur clé dans la baisse de la productivité est la rétention de l'emploi. En réponse à la crise économique liée à la pandémie, l’État a mis en place des aides massives (comme le chômage partiel et les PGE) pour soutenir l’économie et maintenir les emplois. Bien que ces mesures aient permis à l’économie de redémarrer rapidement après la crise sanitaire, elles ont aussi conduit à une ralentissement de la productivité pendant la période de confinement. Cela a eu pour effet de maintenir des niveaux élevés d'emplois dans des secteurs peu productifs.
L’impact de la désindustrialisation sur la productivité
Un facteur souvent négligé mais essentiel dans cette dynamique est la désindustrialisation. Ce phénomène a eu un rôle massif dans la perte de productivité en France, selon Natacha Valla. Bien qu’Emmanuel Macron ait mis en avant la réindustrialisation comme priorité de sa politique économique, la bataille économique mondiale, notamment avec les États-Unis et la Chine, a montré les difficultés majeures de la France à redresser son secteur industriel. L’absence de progrès technologique, en particulier dans les domaines du numérique et de l’intelligence artificielle, pèse lourd sur la compétitivité de l’industrie française.
Pour Natacha Valla, la France doit impérativement investir dans ces domaines pour rester compétitive à l’échelle mondiale. Enfin, l’instabilité politique en France, accentuée par la dissolution de l’Assemblée nationale, a également contribué à l’incertitude économique. Natacha Valla insiste sur l’importance d’éliminer ces incertitudes pour maintenir l’attractivité du pays en matière d’investissements étrangers. Si la France souhaite réussir sa transition numérique et technologique, un environnement politique stable et clair sera nécessaire pour soutenir ces efforts à long terme.
La France reste confrontée à un déficit de productivité majeur, en particulier par rapport à ses voisins européens. Les défis sont multiples : une politique d’apprentissage qui, tout en augmentant l'emploi, a diminué la productivité par tête, une rétention d’emploi qui a ralenti l’efficacité du travail, et une désindustrialisation qui a fragilisé la compétitivité du pays. Face à cela, l’appel à l’investissement dans le numérique et l’intelligence artificielle se fait de plus en plus pressant. La question est désormais de savoir si la France saura mobiliser les moyens nécessaires pour relever ces défis et redresser sa productivité à long terme.