La Belgique s’apprête à modifier l’un de ses piliers sociaux les plus symboliques : les allocations de chômage. Le gouvernement fédéral a décidé d’en restreindre l’accès et la durée dans un objectif affiché de remise à l’emploi.
Ce changement, intégré au projet de réforme du marché du travail, intervient dans un contexte de tensions budgétaires et de pressions sur les finances publiques. Il soulève à la fois des enjeux économiques, sociaux et politiques majeurs dans un pays où le chômage de longue durée reste une réalité préoccupante.
Une réforme en trois volets qui redéfinit les règles d’indemnisation
La réforme proposée repose sur une série de mesures structurelles visant à modifier en profondeur l’accès aux allocations de chômage. Premier volet : la limitation dans le temps. Aujourd’hui, un chômeur peut bénéficier d’allocations dégressives sans limite de durée, sous certaines conditions (notamment en cas d’ancienneté ou de charges de famille). Le projet de réforme entend mettre un terme à ce système en introduisant une durée maximale d’indemnisation, probablement fixée à deux ans. Passé ce délai, le bénéficiaire perdrait son droit à toute allocation, sauf s’il est engagé dans un parcours d’insertion validé.
Deuxième aspect : la dégressivité renforcée. Actuellement, les allocations diminuent tous les six mois, jusqu’à atteindre un plancher. Le nouveau système accélèrerait ce rythme. Dès les trois premiers mois, une première baisse interviendrait, puis tous les deux mois, jusqu’à atteindre le minimum légal, aujourd’hui fixé à environ 1 000 € brut mensuels pour un isolé. Cette dynamique vise à accroître la pression vers un retour à l’emploi.
Troisième pilier : des conditions d’accès plus strictes. Les jeunes devront désormais avoir travaillé au moins 12 mois sur les 18 derniers mois, contre 312 jours sur 21 mois aujourd’hui, pour ouvrir un droit aux allocations. Cette mesure cible la réduction des entrées dans le système et veut encourager un passage plus rapide par l’emploi.
Pour accompagner ces changements, le gouvernement promet un renforcement du suivi des demandeurs d’emploi. Un budget de 250 millions d’euros sera mobilisé pour améliorer l’accompagnement individuel, via les services régionaux tels qu’Actiris, le Forem et le VDAB. Ces institutions auront pour mission d’assurer un suivi trimestriel, avec des obligations de formation, de participation à des entretiens et d’acceptation d’offres raisonnables d’emploi.
Une réforme contestée dans ses objectifs comme dans ses effets
L’annonce de la réforme a suscité de vives réactions. Le Soir a rapporté que le ministre de l’Emploi, Pierre-Yves Dermagne (PS), a défendu une mesure « d’équilibre », qui vise à réduire la part des allocations de chômage dans les dépenses sociales, lesquelles représentent aujourd’hui plus de 5 milliards d’euros par an. Il rappelle que près de 300 000 chômeurs sont indemnisés de manière prolongée, ce qui, selon lui, ne favorise ni la mobilité, ni la réinsertion.
Les syndicats, en particulier la FGTB et la CSC, dénoncent une approche punitive. Selon eux, la réforme risque d’aggraver la précarité. Thierry Bodson, président de la FGTB, souligne que plus de 60 % des chômeurs de longue durée ont plus de 50 ans ou sont peu qualifiés, deux catégories pour lesquelles l’offre d’emploi est structurellement insuffisante. Il déplore une « logique d’exclusion », et craint que la réforme ne fasse basculer des milliers de personnes vers les CPAS, augmentant indirectement la pression sur les budgets communaux.
Les économistes sont partagés. Si certains, comme Etienne de Callataÿ, ancien chef économiste de la BNB, estiment qu’une incitation financière peut jouer un rôle positif, d’autres rappellent que la dégressivité rapide n’a pas d’effet significatif dans les régions à fort taux de chômage. En Wallonie, le taux de chômage s’élève actuellement à 9,2 %, contre 3,5 % en Flandre, ce qui limite mécaniquement les effets de la réforme.
La question des exceptions reste floue. Le gouvernement envisage des aménagements pour les travailleurs âgés (plus de 58 ans), les personnes porteuses d’un handicap ou celles engagées dans des longues formations. Ces dérogations devraient être négociées avec les partenaires sociaux dans les prochaines semaines, avant la présentation définitive du texte au Parlement.