Plus besoin de juge, les bourgmestres pourront légalement acter un divorce par consentement mutuel

Une réforme ambitieuse relative au divorce allie modernisation et accessibilité, mais ses implications doivent encore être pesées avec rigueur.

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Plus besoin de juge, les bourgmestres pourront légalement acter un divorce par consentement mutuel | Econostrum.info - Belgique

La Belgique s’apprête à modifier en profondeur la manière dont les couples mettent fin à leur union. La ministre de la Justice, Annelies Verlinden (CD&V), souhaite permettre aux officiers de l’état civil de prononcer des divorces par consentement mutuel. 

Cette réforme ne concernerait que les mariages sans enfants mineurs et viserait à rapprocher l’acte de divorce des réalités administratives locales. Le projet, encore à l’étude, suscite déjà des réactions partagées dans les milieux juridiques.

Un changement de cap vers l’administration communale

Actuellement, tout divorce en Belgique nécessite l’intervention d’un tribunal de la famille, même en cas d’accord complet entre les deux époux. Cette obligation judiciaire ralentit les procédures, surcharge les tribunaux et impose des démarches parfois lourdes pour des couples déjà en situation de rupture. La proposition d’Annelies Verlinden entend supprimer cette étape pour les couples sans enfant mineur, en confiant la validation du divorce à l’officier de l’état civil – généralement le bourgmestre de la commune.

Ce transfert de compétence marque un tournant historique. Pour la première fois, une séparation légale pourrait être actée directement au niveau communal, comme c’est déjà le cas pour le mariage. La mesure viserait une simplification administrative, mais aussi une modernisation du droit familial belge, à l’heure où les structures familiales évoluent rapidement. En 2022, près de 60 % des divorces en Belgique ont été prononcés par consentement mutuel, ce qui représente des dizaines de milliers de procédures par an.

La ministre souligne que ce projet permettrait d’alléger la charge des tribunaux tout en rendant la procédure plus accessible aux citoyens. Selon ses déclarations, la justice devrait se concentrer sur les dossiers conflictuels, tandis que les cas simples pourraient être traités de manière efficace par les communes. Cette volonté s’inscrit dans une vision plus large d’efficacité et de proximité des services publics, dans un contexte où la rapidité et la clarté des démarches deviennent des attentes fortes de la population.

Des interrogations sur les garanties et les dérives possibles

Si cette initiative répond à une logique de simplification, elle soulève également des inquiétudes juridiques. L’une des principales critiques émises par les professionnels du droit concerne l’absence de filtre judiciaire dans l’analyse des accords conclus entre les conjoints. Aujourd’hui, même en cas de consentement mutuel, un juge vérifie la validité et l’équilibre des conventions de divorce. Cette étape offre une protection minimale, notamment en matière patrimoniale ou de pension alimentaire.

En confiant ce rôle aux officiers de l’état civil, certains craignent une banalisation de l’acte de divorce, qui deviendrait une simple formalité administrative. Cette perception pourrait engendrer des dérives, surtout dans les cas où l’un des conjoints est en position de vulnérabilité.

Autre point soulevé : la compétence juridique des bourgmestres ou de leurs délégués. Contrairement aux juges, les officiers de l’état civil ne sont pas formés pour trancher ou analyser des accords juridiques complexes. Leur rôle est généralement limité à l’enregistrement d’actes. L’attribution d’une telle responsabilité nécessiterait donc une formation approfondie et une harmonisation des pratiques à travers les communes.

De plus, cette réforme ne s’appliquerait qu’aux couples sans enfant mineur, ce qui limite son champ d’application. Pour les autres, le passage devant le tribunal resterait obligatoire. Cela pose la question de l’égalité de traitement entre citoyens selon la composition de leur foyer, et pourrait même engendrer des litiges sur la définition précise des cas éligibles.

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