L’industrie automobile connaît une période de turbulences, marquée par une baisse des ventes, des restructurations et des mutations technologiques vers l’électrique. En 2023, les ventes de voitures neuves en Europe ont chuté de 3,5 %, accentuant les fermetures d’usines et les suppressions d’emplois.
Face à ces difficultés, certains industriels envisagent une reconversion partielle vers la production d’équipements militaires pour garantir la survie de leurs sites de fabrication. En parallèle, les budgets de défense connaissent une hausse significative, offrant des opportunités à ces entreprises en quête de diversification.
Une reconversion stratégique pour préserver l’emploi
Depuis plusieurs années, le secteur automobile européen subit un ralentissement marqué par une baisse de la demande et une concurrence accrue, notamment en provenance de Chine et des États-Unis. En 2024, près de 50 000 emplois ont été supprimés dans l’industrie automobile en Europe, et plusieurs usines ont dû fermer ou réduire leurs capacités de production. Pour éviter une hémorragie industrielle, certains groupes se tournent vers le secteur militaire, un marché en expansion grâce à l’augmentation des budgets de défense.
Le premier à émettre pareille idée, en février, fut le ministre belge de la Défense, Théo Francken; a rapporté Sudinfo. Quelques jours avant la fermeture officielle de l’usine Audi de Bruxelles, il avait évoqué la possibilité de convertir le site pour la production de véhicules blindés. En France, le constructeur Renault Trucks Defense, devenu Arquus, a été l’un des premiers à prendre ce virage en développant des véhicules blindés dérivés de modèles civils. Ce repositionnement stratégique lui a permis de décrocher des contrats avec l’armée française, notamment pour le programme Scorpion, qui prévoit la livraison de 1 872 véhicules blindés Griffon et 978 Jaguar d’ici à 2030.
L’Allemagne suit une approche similaire avec des entreprises comme Mercedes-Benz et MAN, qui ont développé des gammes de camions militaires et logistiques pour répondre aux besoins de la Bundeswehr et d’autres armées européennes. Mercedes-Benz Defence Vehicles, par exemple, produit des véhicules de transport de troupes et des camions blindés, un secteur où la demande a progressé de 25 % entre 2022 et 2024.
Cette transition industrielle permettrait de préserver des milliers d’emplois, notamment dans des usines menacées de fermeture. En Italie, Iveco Defence Vehicles a intensifié sa production de véhicules militaires, avec un carnet de commandes dépassant 1,2 milliard d’euros en 2024, contre 800 millions d’euros en 2022. Ces chiffres illustrent une tendance forte : l’industrie automobile peut tirer parti de la croissance des dépenses de défense pour assurer sa pérennité.
Une demande croissante en équipements militaires
L’accroissement des tensions internationales et la nécessité pour les pays européens de moderniser leurs armées créent une forte demande en équipements militaires. Depuis 2022, les budgets de défense en Europe ont connu une augmentation moyenne de 13 % par an, avec des hausses particulièrement marquées en Pologne (+18 % en 2023), en France (+11 % en 2024) et en Allemagne (+15 % en 2024).
Ce contexte favorable offre de nombreuses opportunités aux industriels en reconversion. Parmi les équipements les plus demandés figurent les véhicules blindés, les camions logistiques, ainsi que les composants électroniques pour systèmes de défense. La Pologne, qui prévoit d’investir 4 milliards d’euros dans l’achat de blindés d’ici à 2027, a déjà entamé des discussions avec des industriels européens pour relocaliser certaines productions.
Les constructeurs automobiles ne se contentent pas de produire des véhicules militaires. Certains élargissent leur activité à la fabrication de systèmes de communication, de capteurs et d’équipements embarqués, domaines où leur expertise technologique peut être exploitée.