Un rapport d’UBS recense 52 millions de ménages millionnaires « malgré eux » dans le monde

La multiplication des « millionnaires du coin de la rue » est le signe d’une transformation profonde de l’économie mondiale, où l’immobilier joue un rôle central dans l’accumulation de richesse.

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EMILLIs
EMILLIs : un rapport d’UBS recense 52 millions de ménages millionnaires « malgré eux » dans le monde : Crédit : Canva | Econostrum.info - Belgique

Depuis 25 ans, une nouvelle catégorie de personnes fortunées a émergé discrètement mais massivement. Désignés sous le terme d’EMILLIs – ou millionnaires de tous les jours –, ces individus possèdent un patrimoine investissable compris entre 1 et 5 millions de dollars. 

Selon le dernier Global Wealth Report publié par UBS en juin 2025, leur nombre a plus que quadruplé depuis l’an 2000, atteignant environ 52 millions de personnes à la fin de l’année 2024. Cette croissance révèle une mutation profonde de la distribution de la richesse mondiale, dont l’ampleur se mesure aussi bien en chiffres qu’en implications sociales.

Une nouvelle majorité silencieuse du patrimoine mondial

Longtemps ignoré dans les analyses sur la richesse globale, le segment des EMILLIs s’impose désormais comme l’un des plus importants sur la scène économique mondiale. Avec un patrimoine total estimé à 107 000 milliards de dollars, ces 52 millions de foyers détiennent presque autant que l’ensemble des personnes disposant de plus de 5 millions de dollars d’actifs (environ 119 000 milliards), peut-on lire dans le derneir Global Wealth Report d’UBS. L’écart se resserre rapidement, au point de redéfinir les contours de ce que l’on considère comme la « richesse ».

Ce phénomène s’inscrit dans une dynamique de fond amorcée dans les années 2000. L’explosion des prix immobiliers dans les métropoles mondiales a permis à des millions de ménages, sans réelle stratégie d’enrichissement, de franchir la barre symbolique du million de dollars en patrimoine. Paris, Tokyo, San Francisco, Toronto ou Berlin ont vu certains de leurs habitants rejoindre les rangs des EMILLIs simplement par effet de valorisation de leur résidence principale.

Ces personnes ne correspondent pas aux images classiques du luxe ou de l’ostentation. Ils incarnent plutôt une classe moyenne supérieure discrète, faite de professions libérales, de retraités, ou de cadres ayant acheté leur logement dans les années 1990 ou 2000. Leur richesse est immobilisée dans la pierre, rarement liquide, mais suffisante pour les faire entrer dans les statistiques des banques privées. Cette nouvelle configuration modifie la perception même de la richesse : elle n’est plus toujours associée à un style de vie somptuaire, mais à des effets cumulatifs de long terme.

Un moteur d’inégalités sociales et intergénérationnelles

Derrière les chiffres flatteurs de cette croissance, le rapport d’UBS attire l’attention sur les tensions économiques et sociales qu’elle induit. D’abord, l’explosion du nombre de millionnaires de tous les jours rend plus difficile l’accession à la propriété pour les nouvelles générations. En accaparant une part croissante des actifs immobiliers, les EMILLIs contribuent à la raréfaction de l’offre disponible et à l’augmentation des prix. Cette dynamique freine la mobilité sociale, en particulier dans les grandes villes où les jeunes actifs ne peuvent plus se constituer un patrimoine sans aide familiale ou héritage.

En second lieu, la montée en puissance de cette population modifie les dynamiques de transmission de patrimoine. Les EMILLIs sont souvent à la tête de fortunes immobilières qui seront léguées à leurs enfants, renforçant ainsi la concentration du capital au sein de certaines familles. Selon des économistes comme Thomas Piketty ou Gabriel Zucman, cette concentration est au cœur du renforcement des inégalités de richesse dans les économies développées. Plus préoccupant encore : cette richesse n’est pas issue d’un processus productif ou entrepreneurial, mais du seul effet de l’appréciation d’actifs détenus depuis longtemps.

Enfin, le rapport souligne que cette tendance, bien qu’universelle, varie selon les régions. Si l’Europe de l’Ouest, l’Amérique du Nord, l’Australie ou certaines villes asiatiques tirent la dynamique, des poches de stagnation subsistent dans des zones moins développées. L’effet de richesse n’est donc ni uniforme ni égalitaire. Il accentue le fossé entre les territoires qui attirent l’investissement immobilier et ceux qui restent à l’écart de cette spirale patrimoniale.

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