L’industrie belge est rattrapée par la géopolitique américaine. Le président Donald Trump a officialisé, mercredi, une hausse généralisée des droits de douane sur les importations aux États-Unis.
Cette décision frappe directement l’Union européenne, désormais visée par une taxe de 20 % sur ses exportations vers le marché américain. En Belgique, les milieux économiques s’alarment d’une facture qui pourrait dépasser le milliard d’euros pour le seul secteur technologique.
Un choc commercial direct pour les exportations belges
À l’occasion de son « Liberation Day », Donald Trump a annoncé une série de droits de douane sans précédent. L’Europe est désormais confrontée à une taxe de 20 % sur tous ses produits exportés vers les États-Unis. En Belgique, les entreprises technologiques, très exposées, redoutent des conséquences immédiates. Selon la fédération Agoria, le secteur a exporté pour 5,5 milliards d’euros de marchandises vers les États-Unis en 2024, ce qui en fait son principal partenaire commercial hors Europe. Cette taxe pourrait représenter plus d’un milliard d’euros de droits à payer.
Le CEO d’Agoria, Bart Steukers, appelle à des contre-mesures, tout en encourageant la poursuite de discussions diplomatiques. Il propose d’accélérer la signature d’accords commerciaux déjà prêts avec l’Inde, l’Australie, le Mercosur ou encore le Mexique, afin de diversifier les débouchés des entreprises belges. Dans un contexte d’incertitude commerciale croissante, ces accords pourraient permettre une redirection partielle des flux commerciaux.
Mais l’inquiétude dépasse le secteur technologique. Des entreprises du secteur chimique pourraient également être affectées, ainsi que certains sous-traitants dont les clients directs se trouvent en France, en Allemagne ou au Royaume-Uni. Agoria alerte sur l’effet domino possible, notamment via les chaînes d’approvisionnement intégrées à l’échelle européenne. Le coût pour l’Union européenne pourrait atteindre 80 milliards d’euros de droits additionnels par an, selon des estimations relayées à Bruxelles.
L’Europe divisée entre riposte politique et calcul économique
Face à ces sanctions commerciales, la marge de manœuvre de la Belgique reste étroite. Depuis 1957, la politique commerciale est une compétence de l’Union européenne. Herman Matthijs, politologue et économiste à la VUB, rappelle que la Belgique seule ne peut pas agir; mais peut peser dans les décisions collectives des 27, a relaté Sudinfo. Il insiste sur l’importance pour l’Europe de parler d’une seule voix, surtout dans les négociations en cours avec le secrétaire d’État américain Marco Rubio.
Plusieurs pistes de rétorsion sont envisagées. Parmi elles, la suspension de commandes militaires américaines dans le cadre du programme européen ReArm, doté de 800 milliards d’euros. Une manière de faire pression sans entrer dans une guerre tarifaire ouverte. D’un point de vue budgétaire, une augmentation des droits de douane européens sur les importations américaines pourrait même générer des recettes fiscales supplémentaires, dont 25 % seraient conservés par chaque État membre. La Belgique pourrait ainsi bénéficier d’un bonus budgétaire.
Sur le terrain, les effets risquent de ne pas se limiter au commerce de biens. Si l’Union européenne riposte, des produits américains comme le whisky, les motos Harley Davidson, ou des services numériques comme Google Cloud, Netflix, Apple ou Amazon pourraient devenir plus chers en Europe. A contrario, certains produits fabriqués localement par des marques américaines, comme Nike, pourraient échapper à ces mesures.
En outre, si les exportations diminuent, les effets sur l’emploi ne sont pas à écarter. Une baisse de la demande pourrait entraîner des licenciements ciblés, bien que la dépendance de la Belgique au marché américain reste modérée (environ 6 % de ses exportations). La Belgique, comme d’autres pays européens, pourrait chercher à rediriger ses échanges vers d’autres marchés, notamment au Canada, en Inde ou en Amérique latine.