Le gouvernement belge, en place depuis la fin de l’année 2023, a validé l’accord avec l’énergéticien Engie pour prolonger l’exploitation des réacteurs nucléaires Doel 4 et Tihange 3 pendant dix ans. Cet accord répond à une nécessité immédiate de garantir la stabilité de la production d’électricité dans le pays.
Toutefois, la Belgique est toujours confrontée à la question plus large du rôle futur du nucléaire dans sa stratégie énergétique. Le Conseil d’État a donc été sollicité pour examiner les projets de loi qui permettraient non seulement de prolonger ces réacteurs, mais aussi de permettre la construction de nouvelles unités, telles que les Petits Réacteurs Modulaires (SMR).
Le Conseil d’État approuve sous certaines conditions
Dans son avis, le Conseil d’État n’a pas estimé qu’il existait de « blocage juridique » fondamental à la prolongation du nucléaire. Cependant, plusieurs points de vigilance ont été soulignés, notamment en matière de transparence et de respect des exigences européennes. L’instance a rappelé que la Belgique doit se conformer aux obligations en matière d’information du public, notamment sur les impacts environnementaux et sanitaires de l’extension des activités nucléaires. Ainsi, comme cela a été le cas pour la prolongation de Doel 4 et Tihange 3, des études d’incidence devront être réalisées et publiées.
Par ailleurs, le Conseil d’État a attiré l’attention sur le principe du « stand still » inscrit dans la Constitution belge, qui impose de ne pas réduire sans justification raisonnable le niveau de protection offert par une législation antérieure. Cela signifie que toute modification de la réglementation sur le nucléaire devra être rigoureusement justifiée pour éviter d’affaiblir la sécurité et la protection de l’environnement. Enfin, la question des indemnités potentielles pour les acteurs concernés par ces changements législatifs a également été soulevée, ajoutant un autre niveau de complexité aux débats sur la prolongation du nucléaire.
Les enjeux politiques et économiques autour du nucléaire
L’avis du Conseil d’État intervient dans un contexte politique tendu. La coalition Arizona, qui soutient le prolongement du nucléaire, est composée de partis traditionnels tels que le CD&V, le MR et l’Open Vld. Ces derniers ont longtemps défendu la nécessité de prolonger la vie des réacteurs, mais se heurtent à des résistances internes et externes. D’une part, les écologistes et une partie de l’opinion publique réclament une sortie progressive du nucléaire au profit des énergies renouvelables. D’autre part, la sécurité énergétique de la Belgique reste une priorité, notamment après les incertitudes provoquées par la crise de l’énergie en 2022.
Le débat sur le nucléaire dépasse ainsi les seuls aspects techniques et législatifs. Il est indissociable des défis économiques de la Belgique : comment maintenir un approvisionnement énergétique stable tout en répondant aux objectifs climatiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Le prolongement du nucléaire pourrait apporter une réponse à court terme, mais le pays devra se projeter sur le long terme pour trouver un équilibre entre énergie bas-carbone et diversification énergétique.