Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement fédéral belge s’attaque à la question des achats transfrontaliers. Longtemps perçue comme une solution pour contrer les prix élevés en Belgique, cette pratique est aujourd’hui dans le collimateur des autorités.
L’objectif affiché est double : limiter l’évasion fiscale et protéger le commerce local. Mais cette nouvelle politique soulève de nombreuses inquiétudes tant chez les consommateurs que chez les commerçants frontaliers.
Une fiscalité plus lourde et des contrôles renforcés
Sous l’impulsion de l’Arizona, de nouvelles taxes sont appliquées sur plusieurs produits phares des achats transfrontaliers. Depuis le 1ᵉʳ janvier 2025, les accises sur l’alcool ont augmenté de 10 %, tandis que celles sur le tabac ont bondi de 15 %, notamment l’écart de prix avec la France et le Luxembourg. Ces hausses visent à dissuader les consommateurs belges de faire cours à l’étranger, mais elles attirent également les commerçants frontaux qui dépendent de cette clientèle.
Les carburants sont aussi dans le collimateur. L’essence et le diesel coûtent en moyenne 20 à 30 centimes de moins par litre en France qu’en Belgique, incitant de nombreux automobilistes à faire le plein hors des frontières. Pour contrer cette fuite fiscale, l’Arizona envisage une taxation rétroactive sur le carburant acheté à l’étranger. Cette mesure, encore en discussion, pourrait imposer aux automobilistes belges une déclaration obligatoire de leurs achats de carburant au-delà d’un certain volume.
Par ailleurs, les quotas douaniers sur les produits importés se durcissent. Un particulier ne peut plus ramener plus de 800 cigarettes (contre 1 200 auparavant) ou plus de 10 litres d’alcool fort (contre 20 litres précédemment) sans s’exposer à des taxes supplémentaires. Ces nouvelles limites sont appliquées avec un renforcement des contrôles aux frontières, notamment sur les axes très fréquentés entre la Belgique et la France, où les saisies de marchandises non déclarées ont augmenté de 25 % en trois mois.
Un impact direct sur les consommateurs et le commerce frontalier
Les premiers effets de cette politique restrictive se font déjà sentir. Selon une étude de l’Union des classes moyennes (UCM), les achats transfrontaliers représentaient en 2024 près de 15 % des dépenses des ménages belges dans certains secteurs, contre seulement 10 % aujourd’hui. Cette baisse impacte directement les commerces situés aux frontières, en particulier les supermarchés, les stations-service et les magasins d’alcool et de tabac.
Au Luxembourg, la fréquentation des stations-service par des automobilistes belges a chuté de 18 % depuis l’application des nouvelles taxes. En France, des enseignes comme Auchan et Carrefour, qui attiraient une clientèle belge pour leurs prix plus bas sur l’alimentation, constatent une baisse de 12 % du panier moyen des acheteurs venus de Belgique.
En Belgique, les grandes surfaces tentent de s’adapter. Colruyt et Delhaize ont lancé une politique agressive de réduction des prix sur certains produits stratégiques, mais l’écart avec les pays voisins reste perceptible, notamment sur l’alcool et les produits de grande consommation. Malgré ces efforts, l’inflation de 4,2 % sur un an continue de peser sur le budget des ménages et la tentation de se tourner vers l’étranger reste forte malgré les nouvelles restrictions.
Du côté des professionnels du transport et de la logistique, la baisse du trafic de consommateurs transfrontaliers entraîne un recul d’activité. Les parkings de certaines zones commerciales proches des frontières enregistrent une baisse de fréquentation de 20 %, tandis que les transporteurs signalent une réduction des livraisons vers les zones frontales de 8 %.