Alors que certaines entreprises envisagent de réduire, voire de supprimer, le télétravail instauré massivement depuis la crise sanitaire, les salariés semblent de plus en plus attachés à ce mode d’organisation. Selon plusieurs études relayées dans les milieux académiques et RH, près d’un salarié sur deux serait prêt à quitter son entreprise si le télétravail venait à être supprimé ou fortement restreint.
Pour Laurent Taskin, professeur en management à l’UCLouvain, le télétravail s’est initialement imposé comme un modèle gagnant-gagnant, alliant autonomie pour les salariés et efficacité organisationnelle pour les employeurs. Ce consensus est aujourd’hui remis en cause. L’expert observe une baisse de l’engagement collectif dans de nombreuses entreprises, qui incite certains employeurs à réimposer la présence physique au bureau.
Mais selon ses dires auprès de la RTBF, vouloir reconstituer un collectif simplement en forçant le retour des salariés sur site est une approche réductrice. Les organisations doivent aussi prendre en compte les nouvelles attentes des employés, pour qui le télétravail est devenu un mode de vie, au-delà d’une simple solution logistique.
L’individualisation du travail en question
Pour Jean-Paul Erhard, de la revue RH PeopleSphere, l’entreprise moderne est confrontée à ses propres contradictions. Depuis plusieurs décennies, les politiques de gestion des ressources humaines ont renforcé l’individualisation des parcours : horaires personnalisés, travail asynchrone, rémunération sur objectifs. Or, exiger aujourd’hui une forte présence sur site entre en conflit avec cette logique, sans pour autant recréer automatiquement un collectif de travail fonctionnel.
Le défi consiste à inventer un modèle hybride qui tienne compte à la fois du besoin d’autonomie des salariés et de la nécessité de recréer des dynamiques d’équipe, notamment pour partager les savoirs, construire du lien professionnel et soutenir la performance collective.
Un équilibre à construire, pas une fin totale du télétravail
Les chercheurs s’accordent sur un point : supprimer le télétravail serait contre-productif. Il ne s’agit pas de revenir au modèle antérieur, mais de construire de nouvelles formes de coopération, à la fois à distance et en présentiel. Cela implique de réorganiser les lieux, les rythmes et les outils du travail, tout en repensant les attentes vis-à-vis des équipes.
Le télétravail, loin d’être une tendance conjoncturelle, s’impose désormais comme un pilier structurant du travail contemporain. Sa pérennité dépendra de la capacité des organisations à faire coexister flexibilité individuelle et projet collectif, sans rupture ni rigidité.








