La publication des salaires des dirigeants d’entreprise en Belgique attire chaque année l’attention des observateurs économiques. Les écarts croissants entre les rémunérations patronales et les salaires moyens alimentent un débat public persistant.
Dans un contexte d’inflation et de tension sur le pouvoir d’achat, ces chiffres interpellent aussi bien les syndicats que les analystes financiers. L’édition 2025 de l’étude consacrée aux patrons les mieux payés de Belgique révèle des montants inédits, jusqu’à plus de 17 millions d’euros par an.
Des rémunérations dominées par le secteur biopharmaceutique
Le classement des patrons les mieux rémunérés en Belgique est cette année encore dominé par le secteur biopharmaceutique, avec des écarts importants entre les premières places et le reste du classement; a rapporté Sudinfo. En tête figure Paul Stoffels, CEO de la société Galapagos, qui a perçu 17,5 millions d’euros en 2023, répartis entre 5,3 millions d’euros de salaire fixe, 10,6 millions en actions et 1,5 million de bonus. Cette somme représente l’une des plus élevées jamais atteintes en Belgique pour un dirigeant d’entreprise.
Il est suivi par Philippe Croizon, CEO de UCB, avec une rémunération de 10,1 millions d’euros, incluant des bonus à court terme et des plans d’actions. Le secteur pharmaceutique concentre ainsi plusieurs des plus fortes rémunérations, comme celle de Jean-Christophe Tellier, également chez UCB, avec 9,6 millions d’euros.
Hors secteur médical, on retrouve John Porter, CEO de Telenet, avec 7,5 millions d’euros, et Joaquim Del Valle du groupe chimique Solvay, à 6,8 millions d’euros. Dans la majorité des cas, ces montants sont constitués d’un package global combinant salaire fixe, primes et actions. Ce mode de rémunération favorise les variations importantes en fonction des performances boursières et des objectifs fixés par les conseils d’administration.
Le cumul des dix plus hauts salaires dépasse 80 millions d’euros, un chiffre qui alimente de nombreuses critiques dans un contexte économique contraint. Ces rémunérations record soulèvent des questions sur la justification de tels montants, surtout lorsque les résultats des entreprises ne suivent pas nécessairement la même trajectoire.
Un écart vertigineux avec les travailleurs belges
Alors que le salaire médian brut en Belgique avoisine 3.550 euros par mois, soit environ 46.000 euros par an, les plus hauts dirigeants perçoivent des montants plus de 350 fois supérieurs. Cette situation exacerbe les tensions autour de l’équité salariale. 17 millions par an, certains patrons gagnent en quelques jours le salaire annuel d’un travailleur belge : cette phrase résume un déséquilibre structurel qui alimente le débat public et syndical.
Les organisations de travailleurs dénoncent l’absence de lien direct entre les performances économiques et les bonus versés. Plusieurs entreprises concernées ont, ces dernières années, lancé des plans de restructuration entraînant des suppressions de postes ou des gels salariaux. Dans ce contexte, la hausse des rémunérations des dirigeants est perçue comme un signal négatif par une partie des salariés.
Une partie significative de ces rémunérations repose sur des plans d’actions attribués sous conditions. Si ce mécanisme vise à aligner les intérêts des dirigeants avec ceux des actionnaires, il peut aussi induire une logique court-termiste, orientée vers le cours en bourse au détriment d’objectifs sociaux ou environnementaux.
Plusieurs responsables politiques et experts économiques réclament une transparence accrue et une régulation renforcée. Certains proposent de plafonner l’écart entre la rémunération du patron et celle du salarié médian, comme cela se pratique déjà dans certains pays. Aucune mesure n’a encore été adoptée, mais les pressions croissantes pourraient accélérer le débat législatif sur le sujet dans les mois à venir.