La flambée des prix du pétrole a entraîné une hausse des coûts des carburants en France. Face à cette situation difficile pour les Français, le gouvernement a écarté l'idée d'une ristourne à la pompe et n'a pas renouvelé le dispositif du chèque carburant. À la place, Elisabeth Borne a privilégié la vente à perte par les distributeurs.
Cette mesure, pourtant interdite en France, sera encadrée par une loi qui sera votée au Parlement au mois d'octobre. Toutefois, cette disposition ne fait pas l'unanimité. De nombreux économistes remettent en question son efficacité, tandis que d'autres redoutent une flambée des prix de l'alimentaire, étant donné que les distributeurs pourraient augmenter leurs marges sur ces produits, pour compenser les pertes engendrées par la vente à perte.
Le directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), Francis Perrin, table au mieux sur « des opérations exceptionnelles » sur « un mois ou deux » par les grandes surfaces, en fonction des « zones géographiques et des situations de concurrence », mais pas une vente à perte généralisée. « Je suis très très sceptique », déclare Patrice Geoffron, professeur d'économie à Paris Dauphine. Le gouvernement fait « un pari de six mois, mais après ? » se demande-t-il. Le professeur constate qu'« il n'y a aujourd'hui pas grand-chose dans la boîte à outils de la politique publique ». Le cabinet Asteres alerte également sur le risque d'une hausse des prix des autres produits pour « compenser » les pertes.
Vente à perte : la compensation promise dissipera-t-elle les craintes ?
Ces conséquences de la vente à perte ont été mises en avant par plusieurs distributeurs et experts. Ils sont nombreux à affirmer que si les enseignes devaient entrer dans une guerre des prix sur le carburant et accepter de perdre de l'argent sur cette activité, elles se rattraperaient forcément ailleurs. « Avec une telle mesure, on demande à l'alimentation de subventionner le carburant, c'est très surprenant alors qu'on veut diminuer le poids des énergies fossiles », souligne Serge Papin, consultant spécialisé en la grande distribution.
En tous cas, l'éventuelle légalisation temporaire de cette vente à perte fait craindre aux petites stations-service une concurrence trop forte des grandes surfaces. C'est une disposition qui n'est pas « économiquement viable pour les distributeurs indépendants, qui ne pourront pas compenser les pertes sur cette activité par d’autres recettes - notamment les produits alimentaires », a indiqué le syndicat professionnel Mobilians, représentant 5 800 stations-service hors grandes surfaces.
Pour prévenir cette situation, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, et la ministre déléguée chargée des PME, du Commerce et de l'Artisanat, Olivia Grégoire, se sont réunis à Bercy avec le syndicat Mobilians. Les ministres se sont engagés à mettre en place un « plan d'accompagnement des stations-service traditionnelles », qui comprendra notamment « l'instauration de mesures de compensation ». C'est ce qu'a révélé le syndicat dans son communiqué, se « félicitant » de leur « écoute ». Une décision qui dissipe en partie les craintes que la vente à perte se répercute sur les produits alimentaires.