L’abaissement du seuil de TVA pour les auto-entrepreneurs a suscité une vive opposition, notamment de la part des travailleurs indépendants qui craignent une hausse de leurs charges et une baisse de leur attractivité tarifaire. Sous pression, le gouvernement a décidé de mettre en pause cette réforme pour engager un dialogue avec les acteurs économiques concernés. Une décision qui pourrait marquer un tournant dans la mise en œuvre de cette mesure controversée.
La réforme, inscrite dans la loi de finances pour 2025, visait à élargir l’assiette de la TVA en obligeant les auto-entrepreneurs à facturer cette taxe dès 25 000 euros de chiffre d’affaires. Selon les estimations du ministère de l’Économie, cette disposition devait permettre à l’État de générer 700 millions d’euros de recettes fiscales supplémentaires dès cette année. Cependant, cette réforme risquait d’avoir des conséquences importantes sur les petites entreprises et les travailleurs indépendants.
En effet, les auto-entrepreneurs bénéficiant de la franchise de TVA peuvent actuellement proposer des tarifs plus attractifs, car ils ne répercutent pas la taxe sur leurs prix. L’application de la TVA les aurait forcés à augmenter leurs tarifs de 20 %, les rendant ainsi moins compétitifs face à des entreprises soumises au régime classique, mais disposant de frais fixes plus avantageux. De nombreux indépendants, notamment dans l’artisanat, le commerce ou les professions libérales, auraient pu voir leur clientèle se tourner vers d’autres acteurs du marché.
Un risque de plafonnement volontaire du chiffre d’affaires
L’une des principales critiques formulées par les organisations patronales et les collectifs d’indépendants est que cette réforme aurait incité certains auto-entrepreneurs à limiter volontairement leur activité pour ne pas dépasser le seuil des 25 000 euros. En effet, au-delà de cette limite, l’obligation de facturer la TVA aurait réduit leur rentabilité, rendant parfois contre-productif un chiffre d’affaires supérieur à ce plafond.
Ce phénomène aurait pu avoir des effets négatifs sur l’activité économique des petites entreprises, en freinant leur croissance et en limitant les opportunités de développement. Certaines structures auraient pu être tentées de modifier artificiellement leurs revenus, en fractionnant leurs facturations ou en modifiant leur statut juridique pour contourner cette contrainte fiscale.
Une opposition politique qui monte
Face à cette contestation, plusieurs parlementaires ont exprimé leur désaccord avec la réforme. Hadrien Clouet, député de La France insoumise, a notamment annoncé son intention de déposer une proposition de loi visant à annuler la mesure. Dans le même temps, Éric Coquerel, président de la commission des Finances à l’Assemblée nationale, a déclaré qu’il était envisageable de modifier cette disposition budgétaire dans les mois à venir.
Cette position pourrait rassembler au-delà des clivages politiques traditionnels, car plusieurs élus, y compris au sein de la majorité présidentielle, ont exprimé des doutes sur l’impact de cette réforme. Cependant, même si l’Assemblée nationale venait à voter l’abrogation du texte, son passage au Sénat, dominé par la droite, pourrait représenter un obstacle. Le gouvernement, de son côté, pourrait également faire pression pour maintenir la mesure, notamment dans un contexte de recherche d’équilibre budgétaire.
Quelles perspectives pour les auto-entrepreneurs ?
Avec la suspension annoncée par le ministre de l’Économie, une période de concertation va être mise en place afin d’évaluer les conséquences de cette réforme. Plusieurs scénarios sont envisageables. Le gouvernement pourrait choisir de relever le seuil initialement prévu pour limiter l’impact de la mesure, ou encore de l’appliquer progressivement pour éviter un choc trop brutal pour les travailleurs indépendants.
Toutefois, aucune garantie n’a été donnée quant à un abandon définitif de la réforme. Les auto-entrepreneurs devront donc rester vigilants et suivre de près les évolutions du débat parlementaire. Une modification des règles fiscales peut avoir des conséquences majeures sur leur activité, obligeant certains à repenser leur statut juridique ou leur mode de facturation.
En attendant une décision définitive, cette suspension offre un répit aux travailleurs indépendants, mais le sujet reste hautement sensible. Si la réforme venait à être réintroduite sous une autre forme, elle pourrait impacter durablement le modèle économique des auto-entrepreneurs en France.