Les taux d’emprunt à 10 ans de l’Allemagne et de la France ont dépassé le seuil des 3 %. Les rendements obligataires des deux pays ont explosé en raison d’une annonce de la Réserve fédérale américaine.
Les taux obligataires des deux premières puissances européennes n’ont jamais été aussi élevés depuis 2012. Le mercredi 4 octobre, le rendement des obligations du Bund allemand, une référence sur le marché de la dette, a atteint 3,02 % à 08 h 55, heure de Paris, son niveau le plus élevé depuis juillet 2011, une période marquée par la crise des dettes souveraines. Vers 07 h 10, il s'est établi à 3 %, alors qu'il était à 2,97 % à la clôture de la veille.
En ce qui concerne les taux d'emprunt français à dix ans, ils ont atteint 3,57 % vers 07 h 20, leur plus haut niveau depuis novembre 2011. Cette évolution a suscité des réactions sur les marchés, avec des baisses des indices de bourse de 0,24 % à Paris, de 0,49 % à Francfort (qui est brièvement passé sous les 15 000 points pour la première fois depuis mars 2023), de 0,63 % à Milan, et de 0,01 % à Londres vers 09 h 40.
Pour comprendre la cause de cette situation, il faut traverser l’océan Atlantique. Comme le souligne Christopher Dembik, conseiller senior en stratégie d'investissement chez Pictet AM, les taux d'intérêt des pays développés sont soumis aux fluctuations des taux obligataires américains. Actuellement, le taux des obligations américaines à 10 ans oscille autour de 5 %, ce qui est un facteur non négligeable. Leur rendement a bondi à 4,80 %, un taux jamais vu depuis plus de 16 ans. Le taux à 30 ans a également augmenté et a atteint son plus niveau haut depuis septembre 2007, tout comme le rendement sur 5 ans. Florian Allain, gérant de portefeuille chez Mandarine Gestion, souligne que les taux réels, corrigés de l'inflation, sont désormais supérieurs à 2,40 % aux États-Unis.
La Fed entend maintenir les taux d’intérêts à des niveaux élevés pour une longue période
La politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed) a donné lieu à une situation particulière. Depuis dix-huit mois, l'institution mène une politique stricte visant à réduire l'inflation à 2 %. Cependant, cette stratégie suscite l’appréhension des investisseurs en raison de la hausse rapide des taux d’intérêt. Jochen Stanzl, de CMC Market, explique que des changements aussi drastiques sur une courte période créent de l'incertitude. Malgré une légère diminution de l'inflation des prix depuis juin 2022, elle est remontée à 3,2 % au cours de l'année écoulée en juillet et à 3,5 % en août, ce qui reste supérieur à l'objectif de la Fed. Cette dernière n’a donc pas l’intention d’assouplir sa politique monétaire pour le moment.
La Fed a suggéré que ses taux resteraient élevés plus longtemps que prévu par les investisseurs. Bien qu'elle ait confirmé le maintien des taux dans la fourchette de 5,25 % à 5,5 % (leur plus haut niveau depuis 22 ans) et prévu une nouvelle hausse de 25 points de base cette année, l'orientation vers une politique monétaire restrictive et des taux élevés sur le long terme était moins anticipée par le marché.
Depuis juillet 2022, la Banque centrale européenne suit la Réserve fédérale américaine en augmentant ses taux. Le 14 septembre, la BCE a relevé son taux de référence pour la dixième fois consécutive, atteignant 4 %. Les autres banques centrales, tendent aussi à coordonner leurs politiques monétaires avec la Fed. De son côté, l'envolée des prix du pétrole, en hausse de 40 % en trois mois, accentue les pressions inflationnistes, ce qui pourrait entraîner de nouvelles hausses des taux directeurs par les banques centrales.
La Fed pourrait maintenir sa politique de resserrement monétaire compte tenu de la robustesse de l'économie américaine, renforcée par les derniers chiffres de l'emploi. Cela signifie qu'elle devrait continuer à adopter une posture restrictive en matière de taux d'intérêt.