Depuis la fin de l’accord-cadre institutionnel en 2021, les relations entre la Suisse et l’Union européenne sont marquées par des tensions et une incertitude sur leur avenir. La Confédération bénéficie d’un accès privilégié au marché unique grâce aux accords bilatéraux successifs, mais refuse une intégration plus poussée au sein du bloc communautaire.
L’Europe traverse une période de turbulences avec le retour de Donald Trump aux affaires aux États-Unis, la guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie qui fragilisent l’équilibre géopolitique. Dans ce contexte, Bruxelles cherche à renforcer ses alliances avec des partenaires de confiance, et la Suisse en fait partie.
Un projet de déclaration commune pour encadrer la coopération
Le 20 décembre 2024, la visite à Berne de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a marqué une avancée dans les négociations bilatérales. Un nouveau paquet d’accords a été conclu entre la Suisse et l’UE, bien que son contenu exact ne soit pas encore rendu public.
L’UE souhaite aller plus loin, puisque les ambassadeurs des 27 pays membres ont adopté un texte qui sera soumis aux ministres des Finances de l’Union le 18 février. Cette déclaration vise à renforcer la coopération en matière de politique étrangère et de sécurité, en intégrant davantage la Suisse aux décisions européennes. Une source à Bruxelles précise que le but est de rapprocher autant que possible les politiques étrangères et de défense des deux parties, sans exiger pour autant une participation financière immédiate de la Suisse.
Le Service européen d’action extérieure (SEAE), la diplomatie communautaire, pousse activement pour prolonger le dialogue bilatéral. L’objectif est d’instaurer des échanges réguliers et de formaliser l’engagement politique des deux parties dans un partenariat stratégique.
Des enjeux diplomatiques et économiques pour la Suisse
Ce rapprochement intervient alors que la Suisse est candidate à l’organisation d’un sommet de la Communauté politique européenne (CPE), un forum réunissant 47 pays du continent (hors Russie et Biélorussie). La dernière édition s’est tenue en Hongrie, en octobre 2024, en présence de Viola Amherd, présidente de la Confédération.
En interne, la classe politique suisse est divisée. Pour certains, il s’agit d’une opportunité stratégique dans un monde de plus en plus instable. Pour d’autres, notamment au sein de l’Union démocratique du centre (UDC), cette orientation est perçue comme une atteinte à la souveraineté helvétique. Le parti évoque même une situation coloniale, où la Suisse se verrait imposer les règles de Bruxelles sans pouvoir réellement peser sur les décisions.
Une opinion publique sceptique face à l’UE
L’attitude des Suisses vis-à-vis de l’UE reste ambivalente. Selon un sondage de l’institut gfs Berne pour la SSR, 54 % des personnes interrogées soutiennent les accords bilatéraux de 1999 et 2004, auxquels s’ajoutent les nouveaux projets de 2024.
En revanche, l’image de l’Union européenne reste dégradée en Suisse. Seuls 27 % des sondés se définissent comme « europhiles », tandis que 49 % expriment un sentiment plutôt négatif vis-à-vis de Bruxelles. Pire encore, 83 % des répondants considèrent l’UE comme un « Moloch bureaucratique », et 66 % jugent qu’elle est incapable de réagir correctement aux crises actuelles.
Alors que Bruxelles multiplie les signes d’ouverture, la question se pose : s’agit-il d’un partenariat équilibré, ou d’un cadre qui réduira progressivement l’autonomie de la Suisse face à son puissant voisin européen ?