Lausanne est la capitale administrative du canton de Vaud depuis plusieurs siècles, concentrant institutions, infrastructures et population active. Récemment, une motion déposée par des députés vaudois, emmenés par l’UDC Fabrice Moscheni, propose de remettre en question ce statut.
Ce texte ne vise pas un simple transfert vers une ville précise, mais une modification de la Constitution pour instaurer une capitale itinérante. Cette proposition, inédite à l’échelle suisse, soulève des interrogations politiques, territoriales et identitaires.
Une initiative pour rééquilibrer les territoires vaudois
La motion déposée le 1er avril par vingt-trois députés du Grand Conseil, issus principalement de l’UDC (11), du PLR (9) et des Vert’libéraux (3), propose une révision de l’article 4 de la Constitution vaudoise, selon Watson. Celui-ci stipule actuellement que « Lausanne est la capitale du canton ». Les signataires souhaitent qu’à l’avenir, chaque district du canton puisse tour à tour recevoir ce statut pour une durée de dix ans, selon l’ordre alphabétique.
Cette proposition repose sur une critique de la centralisation des fonctions politiques à Lausanne, perçue comme éloignée des réalités rurales. Selon Fabrice Moscheni, cette réforme vise à raviver les liens d’appartenance entre Vaudois, en valorisant tour à tour chaque territoire. Il compare cette idée à un événement festif : « On se retrouve tous les vingt-cinq ans à Vevey autour de la Fête des vignerons, là, ce serait tous les dix ans, autour de la belle notion de capitale ».
Le caractère honorifique de la capitale est central dans cette initiative. Moscheni précise que la motion ne prévoit pas de déplacer les institutions ou les administrations cantonales. Le siège du gouvernement et du parlement resterait à Lausanne, mais le titre symbolique de capitale serait transféré à un autre district tous les dix ans, créant ainsi une forme de reconnaissance territoriale tournante.
Une réaction politique partagée et des critiques sur le fond
La proposition a surpris et parfois amusé certains élus, notamment en raison de sa date de dépôt. Le député socialiste Julien Eggenberger a avoué avoir cru à un poisson d’avril. Pour lui, l’idée d’une capitale sans institutions réelles n’a pas de sens : « Une capitale, c’est le lieu où se trouvent le gouvernement et le parlement ». Il craint un détournement de la fonction institutionnelle, qui pourrait créer de la confusion sans résoudre les problèmes d’inégalité territoriale.
Du côté des défenseurs du texte, comme Bernard Nicod, député PLR de la Broye-Vully, le message est plus nuancé. Il voit dans cette idée une tentative de revalorisation des régions périphériques, où le sentiment d’oubli est réel. Il évoque la nostalgie d’un canton plus unifié, où des événements comme le Comptoir suisse à Lausanne servaient de trait d’union entre tradition et modernité. Nicod souligne aussi les difficultés d’accès aux transports publics dans certaines régions, qui accentuent le sentiment d’exclusion vis-à-vis de la capitale.
Ce débat révèle également une fracture politique. Lausanne, gouvernée par la gauche depuis 1990, est considérée par une partie de la droite vaudoise comme un bastion peu représentatif de l’ensemble du canton. Moscheni ne cache pas une certaine défiance envers la gestion lausannoise, estimant que la ville travaille « pour sa clientèle », et qu’elle a perdu son pouvoir de rassemblement.
Pour l’instant, la motion suit le processus parlementaire habituel. Elle devrait être examinée en commission dans les mois à venir. En cas d’acceptation, un référendum populaire serait nécessaire pour modifier la Constitution. Bien que le projet n’entraîne pas de bouleversement institutionnel immédiat, il interpelle sur le déséquilibre perçu entre ville et campagne, et relance un débat plus large sur la gouvernance territoriale dans le canton de Vaud.








