Sous la pression croissante des régulateurs suisses, la banque UBS se retrouve dans une position inconfortable. Tandis que certains évoquent la possibilité d’un exil, un autre scénario, jugé plus réaliste en interne, inquiète bien davantage : celui d’un rachat par une banque étrangère.
Depuis la disparition de Credit Suisse, la Suisse ne compte plus qu’un seul géant bancaire. Cette concentration a fait naître un malaise persistant dans les sphères politiques et économiques du pays. À Berne, les autorités réfléchissent à durcir les règles pour UBS, notamment sur les exigences de fonds propres. Ces discussions ravivent la tension entre la banque et le régulateur.
UBS est un acteur de poids dans l’économie nationale, avec 350 milliards de francs suisses de crédits accordés sur le territoire. La Finma, la Banque nationale suisse et le Département fédéral des finances envisagent d’imposer des exigences accrues en matière de fonds propres. La direction d’UBS, avec Colm Kelleher à la présidence et Sergio Ermotti en tant que CEO, conteste cette orientation, la jugeant source d’un désavantage concurrentiel. Le média Bloomberg a révélé un scénario jusqu’ici resté en arrière-plan : si la pression réglementaire devient trop forte, UBS pourrait envisager de quitter la Suisse.
Un rachat jugé plus probable qu’un départ
Selon Blick, ce n’est pourtant pas l’exil qui inquiète le plus la direction d’UBS. En interne, un autre scénario est pris au sérieux : celui d’une reprise par une grande banque étrangère. Des discussions de lobbying en ce sens seraient déjà en cours. L’argument avancé est avant tout économique. Si les exigences réglementaires venaient à augmenter de 50 %, la valeur boursière d’UBS pourrait chuter d’un quart, selon certains analystes.
Dans le même temps, la banque se retrouverait dotée de capitaux improductifs à hauteur de 18 à 20 % de ses actifs pondérés en fonction des risques. Cette situation rendrait UBS très attractive pour une acquisition. Dans le contexte du retour de Donald Trump et de sa doctrine « America First », des acteurs comme J.P.
Morgan ou Bank of America pourraient chercher à racheter le groupe. Un initié d’UBS confie au média helvétique : « Le départ est le scénario le plus faible. Le pire des cas s’appelle un take-over, et il pourrait se produire avec une capitalisation de 15 à 20 % ».
Lenteur législative et incertitude prolongée
Face à cette situation, les autorités suisses prévoient une réponse législative. Le Conseil fédéral doit présenter d’ici mai les grandes lignes de la future Lex UBS. Si cette réforme prend la forme d’une loi, elle ne serait présentée au Parlement qu’en 2027, et, en cas de référendum, son entrée en vigueur ne pourrait avoir lieu qu’en 2029. Ce calendrier crée une période de flou prolongée, dans un secteur qui réclame une stabilité réglementaire.
Il reste difficile, vu de l’extérieur, d’évaluer la gravité réelle de la menace ou son utilisation comme levier tactique par UBS. Mais le risque existe : si la banque est fragilisée en bourse, elle pourrait devenir une cible. Or, UBS est un nom fort dans la gestion de fortune, et sa position en ferait une acquisition stratégique sur le marché mondial.
Le poids de l’identité suisse dans la clientèle internationale
UBS reste aujourd’hui la première adresse pour les clients fortunés dans la plupart des grandes régions du monde. Sa présence aux États-Unis n’a toutefois jamais atteint une rentabilité notable. Un rapprochement avec une banque américaine pourrait, sur le papier, sembler pertinent. Mais dans la pratique, les fusions bancaires comportent des risques élevés.
Une absorption par un acteur américain pourrait faire fuir une partie importante de la clientèle, tant en Suisse qu’en Asie, notamment à Singapour et Hong Kong. Le choix d’UBS par ces fortunes repose en grande partie sur son ancrage suisse. Si elle venait à perdre cette identité, d’autres établissements comme Julius Baer pourraient capter une part de sa clientèle.
Pour l’instant, UBS dément toute volonté de quitter la Suisse. Un porte-parole renvoie aux propos tenus par Sergio Ermotti lors du Forum économique mondial en janvier : « la » suissitude » de la banque est un critère de différenciation « tout à fait décisif ». Il ajoute : « Nous voulons continuer à opérer avec succès à partir de la Suisse. C’est pourquoi je ne pense pas qu’il soit question pour moi, à l’heure actuelle, de quitter la Suisse ».
Le gouvernement suisse doit s’exprimer fin mai. Ce moment marquera un tournant dans la relation complexe entre UBS et l’État, alors que la perspective d’un rachat reste en suspens. Le patron de la banque ne s’est pas encore exprimé sur ce point.