Les transactions en bourse des dirigeants suisses : des investissements éclairés ou de simples obligations ?

Les mouvements d’achats et de ventes d’actions réalisés par les dirigeants des grandes entreprises suisses sont scrutés de près par les investisseurs. Depuis 20 ans, ces transactions doivent être rendues publiques, offrant un aperçu précieux sur les perspectives des sociétés concernées. Mais ces décisions sont-elles réellement des indicateurs fiables pour les marchés ?

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Les transactions en bourse des dirigeants suisses : des investissements éclairés ou de simples obligations ? | Econostrum.info - Suisse

Depuis 2004, les membres des conseils d’administration et les cadres des entreprises cotées en Suisse doivent déclarer leurs transactions personnelles en Bourse lorsqu’elles concernent les actions de leur propre société. Ces données, appelées « transactions du management », sont accessibles sur le site de SIX Exchange Regulation dans un délai de cinq jours ouvrables après la transaction.

L’objectif de cette obligation est d’informer le marché sur les mouvements des décideurs qui, en raison de leur position, disposent d’une connaissance approfondie de leur entreprise. Selon SIX, ces transactions peuvent être interprétées comme des signaux sur la santé et les perspectives des sociétés concernées.

Un début d’année boursier en forte hausse

L’année 2024 a commencé sur les chapeaux de roue pour la Bourse suisse, avec une progression de 8 % en janvier. Ce rebond est d’autant plus marquant que sur l’ensemble de 2024, le Swiss Market Index (SMI) n’avait progressé que de moitié. Cependant, ce début d’année dynamique a été suivi d’un ralentissement en février, laissant planer des doutes sur la poursuite de cette tendance haussière.

Face à ces variations, les transactions des dirigeants suscitent l’intérêt. Les statistiques montrent qu’en janvier, 46 achats et 26 ventes ont été déclarés, soit un ratio de 1,7, supérieur à la moyenne historique. Mais cette dynamique reste bien inférieure aux phases où les marchés sont au plus bas, moments où les initiés se montrent plus actifs.

Un indicateur trompeur ?

Si les dirigeants achètent souvent des actions de leur propre entreprise, cela ne signifie pas nécessairement que ces investissements sont gagnants. L’année 2022 illustre bien cette complexité : malgré un ratio achat/vente de plus de 2 (1 366 achats contre 662 ventes), le SMI a chuté de 17 %, enregistrant sa pire performance depuis la crise financière de 2008.

Les périodes de baisse semblent néanmoins inciter les décideurs à renforcer leurs positions. En juin 2022, alors que le marché était au plus bas, 135 achats ont été déclarés contre 28 ventes. Même scénario en octobre 2022, avec 124 achats pour 28 ventes. Sur une période de trois ans, le rapport global reste favorable aux achats (3 593 contre 2 586 ventes), mais dans une proportion modérée (1,4).

Ces chiffres montrent que les initiés privilégient l’accumulation d’actions en période de faiblesse du marché, mais cela ne garantit pas une performance supérieure. Olaf Stotz, professeur à la Frankfurt School, analyse ces transactions via un baromètre dédié. Il exclut notamment les achats liés à des plans de rémunération obligatoire, qui faussent les résultats. Pourtant, même ses analyses avancées ne permettent pas toujours de prédire des gains. En 2024, par exemple, une seule action sur cinq parmi les 160 principales valeurs allemandes a surpassé l’indice DAX, invalidant l’hypothèse d’un « argent intelligent » infaillible.

Des exemples concrets, des fortunes diverses

L’analyse des plus gros achats récents sur le marché suisse met en lumière des stratégies variées. Abdallah al Obeikan, membre du conseil d’administration de SIG, a acquis début 2024 des actions pour plus de 41 millions de francs, renforçant ainsi la participation du groupe saoudien Obeikan dans SIG à plus de 5 %. Ce mouvement lui a permis de réaliser un gain de 6 %, alors même que l’action SIG n’a pratiquement pas évolué sur la période.

À l’inverse, Klaus-Michael Kühne, actionnaire majoritaire de Kühne+Nagel, a investi 95 millions de francs dans son entreprise en 2024, mais son portefeuille a enregistré une perte de 15 %. Cependant, la valeur boursière de Kühne+Nagel ayant chuté de deux fois plus sur la même période, son positionnement reste stratégique à long terme.

Un schéma similaire se retrouve chez la famille Hayek, actionnaire principale de Swatch Group, qui a investi 45 millions de francs en 2024. Bien que leur portefeuille ait perdu 10 %, l’action Swatch a chuté de 25 %, illustrant une approche de renforcement en période de baisse.

Des transactions parfois biaisées

Si certains investisseurs se basent sur ces mouvements pour ajuster leur propre stratégie, d’autres exemples montrent que ces transactions ne reflètent pas toujours une vision de long terme. Partners Group, avec plus de 50 millions de francs investis par ses dirigeants, affiche un gain d’environ 10 % sur l’année, mais l’action a progressé de 20 %, montrant que ces acquisitions n’ont pas maximisé la performance possible.

Chez UBS, les achats des dirigeants atteignent 35 millions de francs, mais n’ont généré qu’un gain inférieur à 5 %, alors que l’action a grimpé de plus de 20 % sur la même période. Ces chiffres suggèrent que ces achats sont parfois liés aux programmes d’attribution d’actions, plus qu’à de réelles anticipations stratégiques.

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