Les Suisses devront-ils sacrifier leur souveraineté pour plaire à Trump ? Les coulisses d’un accord douanier controversé

L’accord douanier entre la Suisse et les États-Unis représente un compromis complexe avec des avantages économiques, mais soulève des questions sur la souveraineté et la neutralité du pays.

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Les Suisses devront-ils sacrifier leur souveraineté pour plaire à Trump ? Les coulisses d’un accord douanier controversé : Crédit : KEYSTONE/ALESSANDRO DELLA VALLE | Econostrum.info - Suisse

L’accord douanier en négociation entre la Suisse et les États-Unis suscite des débats intenses, tant dans les couloirs du gouvernement que dans l’opinion publique. Le Conseil fédéral s’apprête à faire des concessions lourdes pour garantir une relation commerciale renforcée avec Washington, notamment en matière de droits de douane et d’investissements économiques. 

Toutefois, ces compromis impliquent des choix difficiles pour certains secteurs économiques suisses, avec des impacts à long terme sur l’agriculture, la pharmacie, et la politique de neutralité du pays. Dans ce contexte, la Suisse se retrouve à jongler entre ses engagements économiques et les préoccupations internes concernant sa souveraineté et ses valeurs.

Les concessions économiques : un engagement financier massif

L’une des concessions les plus marquantes de l’accord est l’engagement financier que les entreprises suisses devront honorer aux États-Unis. En vertu des négociations, la Suisse s’engage à ce que ses entreprises investissent un montant colossal de 200 milliards de dollars sur les cinq prochaines années, dont 67 milliards devront être investis avant fin 2026. Cet investissement concerne principalement les entreprises suisses opérant aux États-Unis, qui devront soutenir leur développement sur place, notamment en matière d’infrastructures et de recherche. Si ces investissements sont considérés comme un gage d’amélioration des relations commerciales, ils représentent également une charge non négligeable pour les entreprises suisses.

En échange de cet engagement financier, les États-Unis s’engagent à réduire les droits de douane sur une grande majorité des produits suisses, avec un plafond fixé à 15 %. Toutefois, cette réduction ne sera pas uniforme pour tous les produits, comme l’illustre le cas du fromage Sbrinz, pour lequel les droits de douane seront abaissés de 39 % à 19 % au lieu du 15 % attendu. Ce compromis, bien que favorable à l’industrie suisse dans certains cas, met en lumière les limites des concessions faites par la Suisse, qui cherche à préserver ses intérêts économiques tout en répondant aux exigences américaines.

Outre ces réductions, l’accord comprend des mesures favorables à certaines industries suisses, comme les avions Pilatus et les médicaments génériques. Ces secteurs bénéficieront d’exemptions de droits de douane, ce qui pourrait accroître leur compétitivité sur le marché américain. Cependant, la Suisse devra aussi accepter des concessions supplémentaires, telles que l’exemption des droits de douane sur certains produits industriels américains, les fruits de mer et certains produits agricoles. De plus, des quotas ont été instaurés pour les exportations américaines, permettant aux États-Unis d’exporter 500 tonnes de viande de bœuf, 1500 tonnes de volaille et 1000 tonnes de viande de bison en Suisse, sans droits de douane.

Les défis politiques et la question de la neutralité

Au-delà des impacts économiques, cet accord soulève des questions politiques sensibles, notamment en ce qui concerne la souveraineté de la Suisse et sa politique de neutralité. L’un des points de friction les plus notables est la question de l’importation de poulet au chlore, un produit qui reste interdit en Suisse en raison de préoccupations sanitaires. Bien que cette question n’ait pas été abordée directement dans les négociations, elle pourrait faire l’objet de débats futurs. Certains parlementaires demandent une révision de la législation suisse pour lever l’interdiction, ce qui mettrait en évidence les tensions entre les engagements internationaux et les préoccupations locales.

La Suisse, traditionnellement perçue comme un bastion de neutralité, doit également concilier cet accord avec sa politique étrangère. Le gouvernement suisse a assuré que la souveraineté et la neutralité du pays seraient préservées, notamment en ce qui concerne les sanctions économiques américaines. Selon le mandat de négociation, la Suisse n’est pas obligée de reprendre les sanctions américaines, notamment celles visant des pays comme l’Iran ou la Russie, révèle Blick. Toutefois, cet aspect de l’accord soulève des interrogations sur l’alignement de la Suisse avec les positions américaines, ce qui pourrait nuire à son image de neutralité.

Par ailleurs, l’impact sur certains secteurs, comme la santé, est également un sujet de débat. Les dispositifs médicaux certifiés par la FDA américaine, tels que les pansements ou prothèses, ne peuvent actuellement pas être utilisés en Suisse sans une homologation distincte. Ce retard dans la reconnaissance de ces dispositifs par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a suscité des critiques, notamment de la part de certains parlementaires comme Damian Müller, du Parti libéral-radical (PLR), qui milite depuis 2020 pour que la Suisse adopte une législation plus permissive. Cette situation crée des tensions entre la nécessité d’accepter des normes internationales et la préservation des standards suisses en matière de santé publique.

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