En Suisse, environ 10 % de la population est considérée comme vivant en dessous du seuil de pauvreté. Malgré leur éligibilité, près d’un tiers d’entre eux ne reçoivent pas les aides sociales auxquelles ils ont droit.
De plus, les obstacles administratifs, la peur de la stigmatisation et un manque d’informations contribuent à cette réalité, tandis que les autorités peinent à trouver des solutions efficaces.
Un système d’aide sociale sous-utilisé
Ce phénomène, connu sous le nom de « non-recours aux droits », concerne 30 % des personnes vivant sous le minimum vital. Cette situation, bien qu’elle permette des économies substantielles pour les pouvoirs publics, conduit à des répercussions directes sur le quotidien des personnes concernées. En effet, nombre d’entre elles doivent faire face à une alimentation insuffisante, à des soins médicaux différés, notamment pour des besoins dentaires, et à d’autres privations qui aggravent leur condition de vie. Les enfants des familles touchées souffrent également de cette précarité.
Les raisons de ce non-recours aux aides sociales sont multiples. Certaines personnes ne comprennent pas le fonctionnement du système social ou sont découragées par des démarches administratives complexes. D’autres, par crainte de la stigmatisation ou par peur de conséquences comme l’expulsion, préfèrent s’abstenir de solliciter l’aide à laquelle elles ont droit.
Un coût caché pour l’État
En 2022, la Suisse a consacré environ 8,6 milliards de francs aux aides sociales, englobant les prestations complémentaires à l’AVS/AI, diverses aides et les avances sur pensions alimentaires. Cependant, les réductions de primes maladie ne sont pas comprises dans ce montant. Si tous les citoyens éligibles percevaient effectivement les aides auxquelles ils ont droit, les coûts annuels augmenteraient de plus de 1,2 milliard de francs.
Toutefois, l’absence de recours aux prestations sociales a également un coût indirect pour l’État. La détérioration de la santé des personnes vivant en situation précaire entraîne des dépenses supplémentaires à long terme, et ces personnes finissent souvent par avoir recours aux prestations sociales, augmentant ainsi les dépenses publiques globales.
Développement d’une coopération entre la Confédération et les cantons
Face à ce problème, la Confédération cherche à coordonner les différents acteurs en partageant les bonnes pratiques entre les cantons et en collectant des données sur le non-recours aux prestations sociales. Mais son rôle direct reste limité. Selon Astrid Wüthrich, vice-directrice de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), seuls les cantons et les communes peuvent réellement améliorer l’accès aux aides sociales et renforcer le contact avec les citoyens.
En matière de prestations complémentaires, la Confédération agit en collaboration avec les cantons. Cependant, comme l’indique Astrid Wüthrich, les modalités d’une telle collaboration doivent encore être définies. En juin dernier, le canton du Jura a demandé à la Confédération de faciliter l’accès à ces prestations, voire de les attribuer automatiquement.
Quelles sont les initiatives locales pour faciliter l’accès aux aides sociales ?
Certains cantons suisses ont déjà commencé à agir pour améliorer l’accès aux aides sociales. Sept cantons, par exemple, calculent automatiquement les droits aux réductions de primes d’assurance maladie à partir des données fiscales et des registres, ce qui permet de verser ces aides sans que les citoyens n’aient à faire de demande. Cette approche pourrait être appliquée à d’autres formes d’aide sociale, notamment en informant les personnes éligibles de leurs droits.
D’autres initiatives sont également en cours, comme celle menée par le canton du Jura, qui a lancé une campagne d’information dans les lieux publics et les médias pour encourager les habitants à faire valoir leurs droits. Dans le canton de Vaud, 73 communes se sont regroupées au sein d’une organisation dédiée à contacter directement les personnes potentiellement éligibles, à évaluer leurs besoins et à les accompagner dans leurs démarches administratives. Toutefois, malgré ces initiatives, de nombreux cantons tardent à agir, ne percevant pas encore l’urgence de la situation.