Depuis plusieurs années, la Suisse forme un nombre limité de médecins chaque année, forçant de nombreux étudiants à poursuivre leur cursus à l’étranger. Ce phénomène, amplifié par le recours massif à des diplômes étrangers, questionne la viabilité de ce modèle à long terme.
La dépendance de la Suisse aux diplômés européens met en lumière des failles structurelles dans son système de formation. Si cette stratégie permet des économies immédiates, elle aggrave la pénurie dans des pays moins riches et nuit à la coopération européenne.
Le déficit de places en médecine : un problème structurel
Chaque année, la Suisse forme environ 1200 médecins, un chiffre insuffisant pour répondre à la demande croissante. En 2022, la Confédération a reconnu 3364 diplômes étrangers, principalement issus de l’Union européenne, pour combler ses besoins. Ce recours accru aux compétences étrangères découle d’un manque structurel de places de formation dans les universités suisses.
Cette carence a poussé de nombreux jeunes à s’expatrier pour leurs études médicales, notamment dans les pays d’Europe de l’Est. À l’université de Cluj-Napoca, en Roumanie, 122 étudiants suisses sont actuellement inscrits en médecine, illustrant cette tendance. Ces départs reflètent non seulement les limites imposées par des politiques restrictives comme le numerus clausus, mais aussi une absence d’investissement durable dans la formation médicale. Bien que le Parlement ait récemment voté pour supprimer cette restriction, l’augmentation des capacités reste lente.
Pour Cédric Wermuth, coprésident du Parti socialiste suisse, ce système révèle un dysfonctionnement majeur. Il demande une évaluation approfondie des coûts que représenterait la formation de ces professionnels en Suisse, comparés aux économies réalisées grâce à leur recrutement à l’étranger. Cette dépendance pose également des questions sur les responsabilités éthiques de la Suisse envers les pays formateurs.
Les conséquences internationales d’une stratégie nationale
L’étude d’UBS de 2014 met en évidence une économie annuelle comprise entre 6 et 9 milliards de francs réalisée grâce à l’immigration de travailleurs qualifiés. Cependant, cette approche crée des tensions au sein de l’Union européenne. Les pays comme la Roumanie, qui forment de nombreux professionnels de santé, voient leur système médical affaibli par l’émigration de leurs diplômés vers des pays plus riches comme la Suisse.
Cette chaîne de dépendance provoque une pénurie généralisée. Les pays de l’Europe de l’Est doivent recruter des professionnels dans des régions encore plus pauvres, aggravant les inégalités mondiales en matière de santé. Comme le souligne Cédric Wermuth, « ce sont précisément les pays les plus pauvres du monde qui manquent de personnel médical ».
Le coprésident du PS propose une réforme en profondeur du modèle suisse. Selon lui, il est essentiel d’investir massivement dans la formation médicale et d’améliorer les conditions de travail dans les secteurs de la santé pour éviter de pénaliser les pays partenaires. Il pointe également la lenteur de la mise en œuvre de l’initiative sur les soins infirmiers, pourtant votée pour rendre les professions médicales plus attractives.
Ce débat s’inscrit dans un contexte plus large, celui des relations entre la Suisse et l’Union européenne. Avec des paiements de cohésion estimés à 350 millions de francs par an, certains considèrent ces contributions comme excessives. Pourtant, elles pourraient être vues comme une compensation pour les économies réalisées sur les coûts de formation médicale à l’étranger.
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