La Suisse préserve son statut de paradis fiscal : 80% des Suisses disent non à la taxation des ultra-riches

Le rejet de l’initiative « Pour l’avenir » montre la résistance des Suissesses et Suisses à une fiscalité punitive et excessive, tout en préservant l’image de la Suisse comme un lieu d’accueil pour les grandes fortunes.

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La Suisse préserve son statut de paradis fiscal : 80% des Suisses disent non à la taxation des ultra-riches : Crédit : AFP / Fabrice COFFRINI | Econostrum.info - Suisse

Ce 30 novembre, les Suissesses et les Suisses ont été appelés à se prononcer sur deux initiatives populaires majeures, dont celle intitulée « Pour une politique climatique sociale financée de manière juste fiscalement ». Cette initiative, portée par les Jeunes socialistes, visait à instaurer un impôt fédéral de 50 % sur les successions et les donations supérieures à 50 millions de francs, dans le but de financer des mesures climatiques et de réduire les inégalités sociales. 

Cependant, le rejet massif de cette proposition, avec 79 % de refus, témoigne de la résistance de la population à une fiscalité jugée trop punitive. Cette défaite pour les initiants a également mis en lumière les inquiétudes concernant l’impact de telles mesures sur l’économie et la compétitivité de la Suisse.

Une taxation des grandes fortunes jugée excessivement radicale

L’initiative « Pour l’avenir » proposait d’imposer un taux de 50 % sur les successions et donations au-delà de 50 millions de francs. L’argent ainsi collecté devait être utilisé pour financer des actions climatiques et atténuer les inégalités sociales, deux enjeux d’importance cruciale dans le débat politique suisse actuel. Cependant, cette proposition n’a pas trouvé de terrain favorable auprès des électeurs. Le rejet a été catégorique, avec des taux de refus supérieurs à 80 % dans plusieurs cantons, dont Schwyz, Lucerne, et Berne, tandis que dans des cantons comme Neuchâtel, Vaud et Genève, le refus a également été très net.

L’initiative a été largement critiquée pour son caractère excessif et sa déconnexion des réalités économiques. En plus de l’impôt de 50 %, le texte proposait une imposition rétroactive des successions, c’est-à-dire qu’elles seraient taxées dès la date de la votation, ce qui a provoqué de vives réactions. Cette mesure a été perçue comme source d’incertitude juridique, notamment pour les héritiers d’entreprises familiales qui risquaient de se retrouver dans une situation complexe, n’ayant pas toujours les liquidités nécessaires pour s’acquitter de cette lourde taxe. De plus, le texte ne précisait pas de manière claire comment les fonds collectés seraient répartis ou utilisés, ce qui a alimenté un manque de transparence et d’incompréhension chez de nombreux votants.

Les opposants à l’initiative ont souligné qu’une approche plus modérée de la fiscalité des grandes fortunes aurait été préférable. Ils ont défendu l’idée qu’une taxation plus ciblée, visant à augmenter la contribution des grandes entreprises ou des grandes fortunes sans recourir à des mesures punitives, aurait permis de trouver un compromis entre justice sociale et stabilité économique. Le rejet de l’initiative montre ainsi que les électeurs suisses sont plus favorables à une approche nuancée qu’à une taxation radicale et rétroactive.

Une stratégie contre-productive qui pourrait attirer les ultra-riches étrangers

Si l’initiative des Jeunes socialistes a été rejetée par la majorité des électeurs suisses, elle n’en a pas moins eu un effet secondaire inattendu : elle a constitué une opération marketing de grande ampleur pour attirer les ultra-riches étrangers, notamment ceux en provenance de pays comme la France. En effet, en refusant d’alourdir la fiscalité des grandes fortunes, la Suisse envoie un signal fort, non seulement à ses citoyens, mais aussi au monde extérieur : elle reste un havre pour les grandes richesses et les investisseurs.

L’initiative des Jeunes socialistes, avec sa proposition radicale de taxer les héritages à hauteur de 50 %, a en effet eu pour effet de renforcer l’image de la Suisse comme un pays au régime fiscal favorable, qui cherche à préserver sa compétitivité et à éviter de chasser ses plus grandes fortunes, précise la TDG. Dans un contexte où de nombreux pays européens, comme la France, multiplient les propositions de taxation des ultra-riches pour financer des politiques publiques, la Suisse se distingue en offrant un environnement fiscal plus attrayant.

Le rejet de cette initiative pourrait ainsi se traduire par un afflux de capitaux étrangers dans le pays, renforçant son secteur financier et contribuant à la stabilité économique. Toutefois, ce phénomène pourrait également exacerber les inégalités sociales à l’intérieur du pays, si les grandes fortunes continuent de bénéficier d’un régime fiscal plus favorable que celui des citoyens moyens. La question demeure donc de savoir comment concilier l’attractivité fiscale pour les investisseurs étrangers avec les besoins de redistribution et de justice sociale au sein du pays.

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