La Suisse entre des mains étrangères : plus de la moitié des grandes entreprises dirigées par des non-Suisses

La Suisse, avec un record de dirigeants étrangers, profite de la mondialisation mais doit relever le défi d’intégrer davantage de talents locaux.

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La Suisse entre des mains étrangères : plus de la moitié des grandes entreprises dirigées par des non-Suisses :Crédit : Canva | Econostrum.info - Suisse

La Suisse n’a jamais été aussi cosmopolite dans ses entreprises. Un rapport récent révèle que plus de la moitié des dirigeants des 100 plus grandes entreprises du pays sont désormais étrangers, un chiffre historique. 

Ce phénomène, en forte croissance, témoigne d’une mondialisation galopante de l’économie suisse, mais il soulève aussi des questions essentielles sur l’avenir des talents locaux. Si cette internationalisation offre des opportunités indéniables pour la compétitivité des entreprises suisses, elle pose également des défis en matière de cohésion économique et sociale.

Une Suisse toujours plus internationale dans ses directions

C’est un chiffre qui marque un tournant. Selon un rapport du cabinet Guido Schilling, 51% des membres des comités exécutifs des 100 plus grandes entreprises suisses sont aujourd’hui étrangers. Ce chiffre bat un record et montre à quel point la Suisse est devenue un carrefour mondial de l’économie. Même dans les entreprises cotées sur le Swiss Market Index (SMI), cet indice des plus grandes entreprises de la Bourse suisse, la proportion de dirigeants étrangers tombe à 27%, ce qui reste un signal fort.

Comment en est-on arrivé là ? En 1980, les cadres étrangers représentaient à peine 4% des dirigeants. Aujourd’hui, ils sont venus d’Allemagne, des États-Unis, du Royaume-Uni ou encore de France, apportant avec eux des expériences et des savoir-faire globaux. Un véritable atout dans un monde économique où la compétitivité passe de plus en plus par la capacité à penser et à agir au niveau mondial. Comme le souligne le sociologue Felix Bühlmann de l’Université de Lausanne, la Suisse est désormais l’un des pays avec la plus grande élite économique internationale, aux côtés de la Grande-Bretagne.

Ce phénomène d’internationalisation des cadres est, bien sûr, une réponse directe à la taille relativement modeste de la population suisse. Face à des entreprises géantes et des secteurs ultra-compétitifs, comme la finance ou l’industrie pharmaceutique, il est difficile de trouver suffisamment de talents locaux pour remplir des rôles de haute direction. La demande de cadres qualifiés dépasse largement l’offre disponible au sein de la population suisse.

L’internationalisation, un levier de compétitivité… mais à quel prix ?

L’attrait pour les cadres étrangers n’est pas une simple question de diversité culturelle ou de cosmopolitisme. C’est aussi un levier de compétitivité indéniable pour les grandes entreprises suisses. Leurs dirigeants étrangers, souvent expérimentés dans des contextes internationaux, apportent des expertises précieuses pour piloter des entreprises mondialisées. Selon l’économiste Tomas Casas Klett de l’Université de Saint-Gall, cette internationalisation permet aux entreprises suisses de renforcer leur présence sur les marchés internationaux et d’être plus agiles face à une économie de plus en plus interconnectée, relate 20min. L’industrie pharmaceutique, la finance ou la construction mécanique, par exemple, bénéficient largement de cette expertise de portée mondiale.

Mais si cette mondialisation des cadres dirigeants présente des avantages certains pour la compétitivité, elle n’en reste pas moins un sujet sensible. Bjørn Johansson, l’un des chasseurs de têtes les plus influents de Suisse, met en garde contre les risques d’une trop grande concentration de pouvoirs étrangers. Selon lui, le succès économique de la Suisse repose sur un équilibre fragile entre les acteurs économiques et les valeurs locales. Il insiste sur la nécessité de promouvoir davantage les talents suisses, d’autant plus que l’offre en cadres locaux est insuffisante pour répondre à la demande. La question de la représentation des intérêts suisses dans les comités exécutifs se pose donc de manière pressante.

Un autre point soulevé par les experts est celui de la responsabilité envers le pays d’accueil. Pour Tomas Casas Klett, ce n’est pas tant la nationalité des dirigeants qui pose problème, mais leur implication dans le développement à long terme de la Suisse. Les cadres étrangers doivent être capables de comprendre et d’adopter les particularités de l’économie locale. Il s’agit donc de trouver un équilibre entre des dirigeants venus d’horizons différents et un ancrage fort dans les réalités et valeurs suisses. Ce n’est pas une mince affaire.

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