Vendredi dernier, les marchés boursiers ont été secoués par un événement inattendu : les crédits douteux des banques régionales américaines ont semé la panique, affectant aussi bien les institutions américaines que européennes. UBS et Julius Baer ont ainsi enregistré des pertes importantes, dépassant les 3 %.
Si ces créances semblaient minimes pour les grandes banques internationales, elles ont suffi à provoquer une réaction en chaîne qui a ravivé les inquiétudes sur la stabilité du système financier mondial. L’impact sur la Suisse est particulièrement préoccupant, notamment après les secousses de 2023.
Le secteur des crédits privés : Une bulle risquée
Les événements récents sont étroitement liés au secteur des crédits privés, ou fonds de dette privée, qui a connu une forte expansion depuis la crise de 2007. Ces fonds sont devenus une alternative incontournable au financement bancaire traditionnel, en particulier pour les entreprises de taille moyenne. Aujourd’hui, ces crédits représentent un marché mondial estimé à 3 milliards de dollars, avec des prévisions qui tablent sur un volume de 5 milliards de dollars d’ici quatre ans, selon JP Morgan. Ces crédits à taux d’intérêt élevés sont attractifs pour les banques, mais ils comportent aussi des risques considérables.
Le problème majeur réside dans l’opacité et la complexité de ce marché. Les créances douteuses récemment signalées, comme celles de Zions Bancorporation et Western Alliance, sont symptomatiques d’une dérive plus large du système financier. Zions Bancorporation a dû radier 50 millions de dollars de prêts, tandis que Western Alliance a dû engager une action en justice pour récupérer 100 millions de dollars. Ces montants peuvent sembler faibles au regard du secteur financier mondial, mais ils ont eu des répercussions démesurées en raison de l’absence de régulation stricte et de la difficulté à évaluer les risques réels. Cette opacité est renforcée par l’utilisation de produits financiers complexes, souvent invisibles dans les bilans des entreprises, ce qui complique encore l’évaluation de l’exposition réelle au risque.
Les créances douteuses des banques régionales américaines ont eu un impact immédiat sur les marchés boursiers, provoquant une chute des actions de plus de 10 % pour certaines banques. Cette panique a touché de plein fouet des géants comme UBS et Julius Baer, qui ont vu leurs actions plonger de 3 %. La réaction des marchés s’explique par la peur d’un défaut massif de paiement de ces crédits privés. Si un grand nombre d’emprunteurs viennent à défaillir, le choc pourrait se propager rapidement, affectant l’ensemble du système bancaire.
Les leçons du passé : Une nouvelle crise bancaire en préparation ?
L’impact de ces créances douteuses a rappelé à de nombreux investisseurs les événements traumatisants de 2023, lorsque la hausse des taux d’intérêt des banques de la Silicon Valley a provoqué une crise bancaire mondiale. Cette crise a entraîné la chute de Crédit Suisse, obligeant UBS à intervenir pour sauver la banque. Ces événements ont montré la vulnérabilité des institutions financières, même les plus solides. La débâcle de Credit Suisse, causée en partie par des investissements dans des produits financiers complexes et mal régulés, a révélé la fragilité du système bancaire face à des risques mal évalués.
Le professeur Marc Chesney, spécialiste en finance à l’Université de Zurich, explique à Blick l’ampleur des risques associés aux crédits privés. Selon lui, « le système financier est bien trop complexe et opaque ». Cette complexité et cette opacité sont des facteurs qui peuvent amplifier les effets d’un choc apparemment limité, déclenchant ainsi une panique généralisée. Il ajoute que, bien que les montants en question soient souvent considérés comme faibles, leur effet combiné pourrait rapidement précipiter une crise plus profonde.
Les récents défauts de paiement, comme celui de l’équipementier automobile First Brands, qui a déposé son bilan avec une dette de 10 milliards de dollars, ainsi que l’effondrement de Tricolor Holdings, un prêteur automobile à haut risque, témoignent d’une tendance inquiétante. Ces défaillances révèlent non seulement la fragilité de certaines entreprises, mais aussi la vulnérabilité des banques exposées à ces créances. UBS, par exemple, a investi environ 500 millions de dollars dans First Brands, une décision qui a largement contribué à la perte de confiance des investisseurs.
La question qui se pose désormais est de savoir si ces défaillances ponctuelles annoncent un risque systémique plus large. Le marché des crédits privés, mal régulé et mal compris, pourrait effectivement précipiter une nouvelle crise bancaire. Si plusieurs grandes institutions viennent à faire face à des défauts massifs de paiement, la stabilité de l’ensemble du système bancaire pourrait être mise à mal.








