L’Union européenne a mis en place depuis 2016 un mécanisme d’alerte dans le cadre du Système d’information du marché intérieur (IMI), permettant d’échanger des informations en temps réel sur les interdictions de pratiquer pour les professionnels de la santé. Ce dispositif regroupe tous les pays de l’UE, ainsi que le Liechtenstein, l’Islande et la Norvège, et inclut également les éducateurs condamnés pour des délits graves comme la pédophilie. L’IMI permet donc d’avertir rapidement les autorités compétentes en cas de suspension d’un professionnel, garantissant ainsi une meilleure gestion des risques sanitaires.
Mais la Suisse, bien qu’ayant tenté de rejoindre ce système dès 2012, n’a jamais réussi à y adhérer. Une première tentative a échoué au Parlement fédéral en 2014, année où l’initiative contre l’immigration de masse a été acceptée par le peuple suisse. Cette décision a conduit à une rupture des négociations avec l’Union européenne, bloquant l’accès de la Suisse à l’IMI. Aujourd’hui, la Suisse continue de se retrouver en dehors de ce réseau, ce qui l’empêche d’accéder aux alertes concernant les médecins radiés ou interdits de pratique dans l’UE.
Des exemples inquiétants de médecins radiés travaillant en Suisse
Les révélations du Matin Dimanche ont mis en lumière plusieurs cas préoccupants de médecins radiés dans d’autres pays européens, qui ont néanmoins pu obtenir l’autorisation d’exercer en Suisse. L’exemple le plus marquant est celui d’un chirurgien radié en France, qui, après avoir été exclu du territoire français, a obtenu une autorisation de pratiquer à Genève l’automne dernier. De même, un médecin radié en France dans le canton de Neuchâtel a pu reprendre une activité dans un désert médical français, une zone où la pénurie de médecins a pu jouer en sa faveur.
Ces incidents mettent en évidence une faille importante dans le système de vérification des praticiens étrangers en Suisse et soulignent les risques associés à l’absence d’échanges d’informations avec les pays voisins. Si le pays avait accès à la base de données européenne IMI, ces médecins radiés auraient probablement été signalés avant qu’ils ne puissent reprendre leurs activités en Suisse.
Les mesures de contrôle en Suisse : sont-elles suffisantes ?
Malgré cette situation, les autorités suisses tentent de rassurer la population en soulignant que des vérifications strictes sont effectuées pour les médecins étrangers qui souhaitent exercer sur le sol helvétique. Le secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (Sefri) affirme que chaque praticien doit fournir plusieurs documents justificatifs, dont une attestation de bonne conduite. Les diplômes doivent aussi être validés par la Commission des professions médicales pour garantir la légitimité de leur qualification. Par ailleurs, chaque canton est responsable de l’évaluation des dossiers des praticiens étrangers et doit s’assurer qu’ils respectent les exigences suisses.
Pour autant, ces contrôles locaux sont-ils suffisants pour pallier l’absence d’une base de données internationale ? Frédéric Berthoud, chef de l’unité Reconnaissance des qualifications professionnelles au Sefri, a reconnu que la Suisse était consciente de l’importance du système européen de signalement et qu’elle avait tenté d’obtenir un accès à l’IMI. Cependant, ces tentatives sont restées vaines, et la situation continue de poser des risques, notamment dans des domaines aussi sensibles que la santé publique.