La Suisse au bord de la crise immobilière

Le taux de vacance passe sous 1 % et la construction de logements peine à suivre la demande croissante, avertit la Société suisse des entrepreneurs. Une crise du logement se profile.

Publié le
Lecture : 3 min
Crise immobilière
La Suisse au bord de la crise immobilière | Econostrum.info - Suisse

Le manque de logements disponibles devient un problème structurel. La dynamique de construction ne suit plus la croissance démographique, et les délais administratifs freinent les nouveaux projets. L’équilibre du marché immobilier s’érode, alimentant tensions sociales et inquiétudes politiques.

Dans ce contexte, les représentants du secteur de la construction appellent à des réformes immédiates. Face à une sous-production persistante, ils proposent une série de mesures pour relancer rapidement l’activité et éviter une crise prolongée.

Un déficit persistant face à une demande croissante

Selon la Société suisse des entrepreneurs (SSE), environ 42 000 nouveaux logements devraient être construits en 2025. Ce chiffre reste inférieur aux besoins estimés à 50 000 unités par an par l’Office fédéral du logement. Depuis 2020, la SSE recense un manque cumulé de 36 000 logements qui n’ont pas pu être réalisés à temps.

Ce déséquilibre a pour effet immédiat une baisse du taux de vacance à un niveau historiquement bas, inférieur à 1 % sur l’ensemble du territoire. Gian-Luca Lardi, président de la SSE, a qualifié cette situation de « signal d’alarme », estimant qu’une transition rapide vers une véritable crise du logement est désormais probable si aucune mesure n’est adoptée.

Les prévisions de l’indice de la construction indiquent une légère amélioration au deuxième trimestre 2025, mais l’activité globale restera à un niveau relativement bas. La SSE anticipe une augmentation des recettes de seulement 0,2 % sur l’année, illustrant un redémarrage trop lent pour compenser le retard accumulé.

Procédures administratives et oppositions ciblées dans le viseur

La SSE pointe les lenteurs administratives comme facteur central du blocage. Les procédures de planification et d’autorisation sont jugées trop longues, entravées par des oppositions fréquentes. Gian-Luca Lardi dénonce des contestations « motivées par des raisons stratégiques ou purement politiques » qui ralentissent ou empêchent de nombreux projets.

Parmi les solutions proposées, la SSE recommande la numérisation des démarches et la restriction des possibilités d’opposition aux seuls intérêts légitimes des parties directement concernées. Cette approche vise à raccourcir les délais sans pour autant affaiblir les droits fondamentaux.

Plusieurs cantons ont déjà engagé des initiatives en ce sens. À Zurich, une proposition prévoit l’introduction d’une autorisation automatique après un certain délai. Dans le canton de Fribourg, une motion adoptée demande au Conseil d’État d’améliorer la procédure de délivrance de permis de construire, en instaurant notamment que les décisions préliminaires d’un office soient automatiquement considérées comme favorables après 30 jours sans réponse.

Densifier les villes et revoir la pesée des intérêts

Pour répondre au manque de foncier disponible, la SSE insiste sur la nécessité d’augmenter la densité dans les zones déjà urbanisées. Cela passerait par une modification des règles d’aménagement du territoire : hausse des coefficients d’utilisation du sol, réduction des distances aux limites et construction en hauteur.

Winterthour est cité en exemple, avec son « concept de hauteur » qui définit précisément les emplacements où des immeubles plus élevés peuvent être construits. Gian-Luca Lardi appelle également à identifier les zones où l’ajout d’un ou deux étages supplémentaires serait envisageable.

Une autre revendication importante concerne la pesée des intérêts entre construction et protection du patrimoine. La SSE estime que cette évaluation devrait se faire au niveau du plan directeur, et non plus au cas par cas lors de chaque projet individuel. Elle dénonce l’usage croissant de l’inventaire fédéral des sites construits (Isos) comme obstacle à la réalisation de grands projets, y compris lorsque le site n’est pas lié à une tâche fédérale.

Selon la SSE, cette situation est parfois exploitée par des juristes pour déposer des recours. Depuis 2016, le nombre de monuments historiques protégés a augmenté de 21 %, touchant principalement des objets d’importance locale.

Les chiffres de la ville de Zurich illustrent le potentiel des constructions de remplacement : en 2024, pour 100 logements démolis, 161 nouveaux ont été construits en moyenne. Ces opérations permettent de loger 87 % de personnes en plus sur la même parcelle, en raison de logements plus nombreux et plus grands.

Enfin, la SSE souligne que la disponibilité de main-d’œuvre qualifiée est un facteur déterminant pour relancer la construction. Elle met en avant les rémunérations dans le secteur du bâtiment, qui affiche les salaires minimaux les plus élevés en Suisse pour les artisans, avec des écarts pouvant atteindre 2 000 francs par mois par rapport à des professions similaires.

Laisser un commentaire

Share to...