Dans un contexte où le ski est devenu un luxe réservé à une élite, une petite station du Valais, Télégiettes, défie les tendances en offrant un accès gratuit à ses pistes. Alors que les prix des forfaits journaliers continuent de grimper à travers la Suisse, cet exemple unique montre qu’il est possible de rendre le ski accessible à tous.
Portée par la vision d’un entrepreneur passionné, cette station modeste au-dessus de Monthey est devenue un symbole d’une autre manière de penser le ski, loin des stations touristiques prestigieuses. Dans un secteur où les coûts sont souvent jugés prohibitifs, Télégiettes s’affirme comme une réponse audacieuse aux défis économiques du ski moderne.
Un modèle de gratuité défiant les standards économiques
Télégiettes, nichée entre 1300 et 1800 mètres d’altitude dans les montagnes du Valais, se distingue par un aspect simple mais radical : la gratuité totale de son accès. Chaque jour d’ouverture, les skieurs peuvent profiter de 8 kilomètres de pistes, de sentiers de raquettes et même d’une piste de ski de fond, sans avoir à dépenser un franc. Ce modèle fait de la station un cas unique en Suisse, où la tendance générale va dans le sens de forfaits de plus en plus coûteux. En comparaison, les stations populaires du pays peuvent facturer plus de 80 francs pour une journée de ski.
Le concept de la gratuité à Télégiettes a attiré une attention médiatique internationale. Le journal « Zeit » a même qualifié Alain Bosco, le propriétaire de la station, de « Robin des Bois du téléski ». Quant au magazine « Süddeutsche Zeitung », il a élu Télégiettes comme étant la « station de ski la moins chère du monde » en début d’année, relate Blick. Ce succès médiatique, bien qu’inattendu, n’est que la surface visible d’un projet profondément ancré dans les valeurs d’accessibilité et de partage de son fondateur.
Alain Bosco, un Valaisan d’origine, a repris cette petite station en faillite il y a plus de 20 ans. Fort de son expérience entrepreneuriale, notamment dans le secteur de l’immobilier et après avoir vendu une start-up en 2009, Bosco a investi plus de 500 000 francs dans la réhabilitation et l’entretien de la station. Son objectif : rendre le ski accessible à ceux qui ne peuvent se permettre les prix des grandes stations. Chaque année, le domaine coûte plus de 60 000 francs à exploiter, et bien que ces coûts ne soient pas couverts par les recettes des forfaits, Bosco continue d’assumer une partie du financement personnellement, avec l’aide de dons et de contributions communales.
Télégiettes attire principalement un public local et occasionnel. Bien que la station ne soit ouverte que deux week-ends par mois de décembre à avril, elle permet de maintenir une atmosphère conviviale, loin de la frénésie des grandes stations. C’est une alternative pour ceux qui souhaitent profiter des joies du ski sans les prix exorbitants pratiqués ailleurs. Selon Bosco, « le ski est plus cher que le golf » et il s’engage à maintenir l’accès à la montagne pour tous.
Les défis d’un modèle économique fragile
Bien que le modèle de Télégiettes soit séduisant sur le plan de l’accessibilité, il n’en demeure pas moins fragile. Le principal défi réside dans la capacité de la station à couvrir ses frais de fonctionnement. Télégiettes n’a jamais généré de bénéfices depuis sa reprise, et la dépendance aux dons et contributions externes soulève des questions sur la pérennité du modèle. Si ces fonds venaient à diminuer ou si l’intérêt pour la station venait à baisser, la situation financière de la station pourrait devenir insoutenable.
De plus, la station fonctionne avec une équipe restreinte, composée d’Alain Bosco et de son ami David Monod, épaulés par 2 à 4 bénévoles pendant la saison. Cette gestion à petite échelle limite le nombre de jours d’ouverture, la station n’étant accessible que deux week-ends par mois. Cette restriction temporaire empêche Télégiettes de se développer comme une véritable alternative aux grandes stations touristiques, limitant ainsi ses revenus potentiels. De plus, son infrastructure modeste et ses huit kilomètres de pistes la rendent inadaptée à un public recherchant de plus grands domaines skiables ou des équipements modernes.
Le modèle économique de Télégiettes met également en lumière l’écart croissant entre les stations de ski populaires et les petites stations locales. Si certaines stations comme l’Aletsch Arena ou la région de la Jungfrau offrent des forfaits gratuits pour les jeunes, aucune n’égale la gratuité totale de Télégiettes. Cependant, cette exception n’est pas sans risques. Si les coûts d’exploitation continuent de grimper, la station pourrait se retrouver dans une situation où elle n’est plus en mesure de proposer un accès gratuit. Le défi pour Alain Bosco sera donc de trouver un équilibre entre l’accessibilité du ski et la viabilité économique de la station.








