Les États-Unis sont aujourd’hui le premier marché d’exportation de la Suisse, représentant 15 % du commerce extérieur du pays. Ce lien est crucial pour des secteurs stratégiques comme la pharmacie, la chimie, l’horlogerie et les métaux précieux, où la Suisse joue un rôle majeur. De grandes entreprises comme Novartis, Roche, Nestlé, UBS et Zurich Assurances réalisent une part essentielle de leur chiffre d’affaires aux États-Unis.
Toute mesure protectionniste pourrait remettre en question ces échanges et peser sur la croissance des entreprises suisses. Avec Donald Trump de retour au pouvoir, les restrictions commerciales risquent de renforcer la vulnérabilité de ces industries.
Un protectionnisme renforcé et ses répercussions commerciales
Le protectionnisme annoncé par Donald Trump pourrait impliquer de nouvelles taxes douanières sur les importations européennes, y compris celles de la Suisse. John Plassard, de la banque Mirabaud, alerte sur le fait que ces mesures pourraient fragiliser plusieurs secteurs de l’économie helvétique. Les exportateurs de pharma, chimie et horlogerie seraient parmi les plus exposés.
Le marché de l’or est également concerné. La Suisse, qui abrite quatre des plus grands raffineurs mondiaux (Metalor, MKS Pamp, Valcambi et Argor-Heraeus), est un acteur majeur de l’exportation de métaux précieux vers les États-Unis. En décembre, ces exportations ont atteint 6 milliards de francs suisses, soit 64,2 tonnes d’or, un volume inhabituel qui reflète l’anticipation d’éventuelles taxes américaines.
L’industrie automobile suisse, qui compte 578 sous-traitants travaillant pour des groupes comme Volkswagen, Stellantis et Volvo, pourrait aussi être impactée. Une augmentation des droits de douane sur les voitures européennes, de 2,5 % à 10 %, aurait un effet en cascade sur ces fournisseurs. Par ailleurs, si les États-Unis durcissent leurs sanctions contre la Chine, la Suisse en subirait les conséquences, Pékin étant un client majeur des entreprises suisses.
Une exclusion des puces IA qui inquiète l’industrie technologique
L’administration américaine a récemment restreint l’accès aux puces d’intelligence artificielle (IA) de haute performance, en limitant leur exportation à 18 pays. La Suisse ne figure pas sur cette liste, ce qui constitue un frein pour son secteur technologique.
Selon Olga Baranova, secrétaire générale de CH++, cette exclusion pourrait pénaliser durablement le développement de l’intelligence artificielle en Suisse. Elle appelle à une démonstration de fiabilité de la part de Berne pour tenter d’intégrer cette liste et préserver la compétitivité technologique du pays.
Le 27 janvier, un événement a toutefois changé la donne : l’application DeepSeek, développée par une start-up chinoise, est devenue l’application IA la plus téléchargée aux États-Unis, surpassant ChatGPT. Ce bouleversement dans le paysage de l’IA remet en question la suprématie des puces américaines et pourrait inciter la Suisse à diversifier ses sources d’approvisionnement.
Libre-échange, armement et pharma : des incertitudes majeures
Le Conseiller fédéral Guy Parmelin a récemment annoncé que la Suisse souhaitait relancer les discussions sur un accord de libre-échange avec les États-Unis. Pourtant, selon Stéphane Garelli, professeur à l’IMD, Donald Trump ne considère pas la Suisse comme une priorité. Le temps limité de son mandat et ses préférences pour des accords bilatéraux plus stratégiques rendent cet objectif difficile à atteindre.
L’industrie suisse de l’armement fait face à un autre défi : la montée en puissance des fabricants américains en Europe. Washington encourage les pays européens à augmenter leurs budgets de défense et à acheter davantage d’équipements américains. Déjà fragilisée par les restrictions allemandes sur les exportations vers l’Ukraine, l’industrie suisse de l’armement pourrait perdre des parts de marché face à cette concurrence accrue.
Le secteur pharmaceutique suisse, qui représente plus de la moitié des exportations suisses vers les États-Unis, pourrait également subir une pression sur les prix des médicaments. Le ministre américain de la Santé pourrait en effet renforcer la politique de réduction des prix instaurée sous l’ère Biden, ce qui affecterait directement des groupes comme Roche et Novartis. Le secteur espère néanmoins obtenir l’annulation de ces réglementations, mais l’issue des négociations reste incertaine.
Une dépendance à réévaluer
L’économie suisse est fortement exposée aux décisions américaines, qu’il s’agisse des taxes douanières, des restrictions technologiques ou des régulations pharmaceutiques. Face à ces incertitudes, la Suisse devra renforcer ses alliances commerciales, diversifier ses marchés et investir dans l’innovation pour préserver sa position économique.
L’équilibre entre les États-Unis et la Chine sera un enjeu majeur dans les années à venir, nécessitant une diplomatie économique prudente et une stratégie de diversification pour limiter les risques liés à la politique américaine.