Chaque fin d’année, les foyers suisses renouent avec une tradition solidement ancrée : installer un sapin de Noël dans leur salon. Cette coutume festive conserve une place importante dans la consommation saisonnière, mobilisant une filière structurée et bien implantée localement.
Environ 1,7 million d’arbres sont vendus chaque année dans le pays, avec une préférence marquée pour le sapin Nordmann. Derrière cette tradition, un marché agricole spécifique, qui conjugue enjeux économiques, environnementaux et logistiques.
Le Nordmann, variété de référence des foyers suisses
Parmi les différentes essences disponibles, le sapin Nordmann s’impose comme le choix majoritaire. Selon l’association ForêtSuisse, deux tiers des acheteurs se tournent vers cette variété. Son succès s’explique par des caractéristiques esthétiques et pratiques : ses aiguilles ne tombent pas facilement, sa forme est régulière et son feuillage dense. Bien que l’épicéa commun et l’épicéa bleu restent appréciés, leur part de marché est bien plus réduite.
La culture d’un sapin Nordmann destiné à la vente est un processus long et encadré. Il faut environ dix ans pour qu’un arbre atteigne la taille souhaitée. Durant cette période, les arbres sont entretenus dans des exploitations agricoles spécialisées. Les semences, quant à elles, ne proviennent pas toutes du territoire suisse. Si les graines d’épicéa sont majoritairement locales, celles du Nordmann sont souvent importées du Caucase, région d’origine de l’espèce.
Cette origine n’empêche pas les producteurs de bénéficier d’un label suisse, à condition de respecter certaines normes. IG Suisse Christbaum, organisation faîtière de la branche, délivre ce label de qualité. Il garantit que l’arbre a été cultivé en Suisse selon des critères précis, incluant des exigences en matière d’environnement, de soins apportés à l’arbre et de méthodes de coupe, explique Blicks. Le label permet également aux producteurs de se distinguer sur un marché où la concurrence étrangère reste significative.
La demande se concentre principalement entre fin novembre et mi-décembre. Les sapins sont alors vendus en supermarchés, sur des marchés de Noël ou directement chez les producteurs. Le transport, la conservation et l’esthétique jouent un rôle essentiel dans le choix des consommateurs. Malgré des prix parfois plus élevés, les acheteurs sont sensibles à la qualité et à l’origine du produit, ce qui favorise les productions locales labellisées.
Une filière agricole saisonnière au poids économique réel
Le marché du sapin de Noël constitue une source de revenu non négligeable pour de nombreux agriculteurs et exploitants forestiers. Dans certains cas, il permet de diversifier les activités agricoles, particulièrement en fin d’année, période traditionnellement plus creuse pour d’autres types de production. Ces cultures sont menées sur des surfaces dédiées, en dehors des forêts naturelles, ce qui limite leur impact environnemental.
Le soin apporté aux arbres pendant leur croissance implique une main-d’œuvre qualifiée et un suivi régulier. Taille, désherbage manuel, contrôle des parasites : autant d’interventions répétées qui nécessitent du temps et des compétences spécifiques. Le retour sur investissement n’intervient qu’après plusieurs années de soins, ce qui explique la différence de prix entre les sapins suisses et ceux importés.
Du point de vue écologique, la production locale présente des avantages significatifs. La réduction des distances de transport permet de limiter les émissions de CO₂ associées à la distribution. De plus, les exploitants membres de l’IG Suisse Christbaum s’engagent à ne pas utiliser de produits phytosanitaires non autorisés, et à maintenir une gestion durable de leurs parcelles.
Cependant, le marché reste soumis à certaines contraintes. Les conditions climatiques, notamment les périodes de sécheresse ou de gel, peuvent compromettre les récoltes. Par ailleurs, la concurrence étrangère reste forte, notamment depuis l’Allemagne et certains pays d’Europe de l’Est, où les coûts de production sont moindres. Les sapins importés représentent une part significative du marché suisse, en particulier dans les segments à prix bas.
Face à cela, les producteurs suisses misent sur la proximité, la qualité perçue et la traçabilité pour se démarquer. Pour les consommateurs soucieux d’un achat plus responsable et local, le label IG Suisse Christbaum reste un repère fiable. Malgré les défis, le marché du sapin de Noël résiste bien, soutenu par une demande stable et une tradition profondément enracinée.








