En Suisse, les nouvelles propositions fiscales visant à imposer plus lourdement les retraits de capital des 2e et 3e piliers suscitent de vives interrogations et inquiétudes. Destinée à combler le déficit budgétaire, cette mesure pourrait voir disparaître les avantages fiscaux traditionnellement associés à l’épargne-retraite, bouleversant ainsi le quotidien des retraités suisses.
Avec des prélèvements bien plus attractifs à l’étranger, cette réforme pourrait encourager de nombreux seniors suisses à s’installer hors des frontières nationales pour préserver leur capital. Actuellement, un tiers des retraités suisses vivent déjà à l’étranger, bénéficiant d’une imposition avantageuse sur leurs pensions. La tendance pourrait se renforcer si la réforme entre en vigueur.
Suppression de l’avantage fiscal des piliers de prévoyance
La Suisse envisage une refonte de son système fiscal pour les pensions, en particulier les retraits de capital issus des deuxième et troisième piliers. Actuellement, ces montants bénéficient d’une imposition réduite, calculée séparément du reste des revenus. Toutefois, cette exonération partielle est en péril. La mesure, proposée par un groupe d’experts mandaté par le Conseil fédéral et dirigé par Serge Gaillard, vise à alléger le déficit public en augmentant les impôts sur ces capitaux.
Cette réforme pourrait multiplier par trois, quatre, voire cinq le montant d’impôt que les retraités doivent verser, un changement brutal qui suscite l’opposition de nombreux acteurs politiques et économiques. Reto Spring, président de l’Association suisse des planificateurs financiers, souligne que l’attractivité fiscale des piliers est un levier essentiel pour encourager l’épargne-retraite, notamment chez les jeunes actifs. Avec cette hausse, le risque de décourager la prévoyance privée est réel, affaiblissant ainsi le système de retraite suisse.
L’expatriation fiscale, une solution attractive pour les retraités
L’imposition des retraités expatriés se révèle bien plus avantageuse que celle appliquée aux résidents suisses. En effet, les expatriés paient un impôt à la source, souvent bien inférieur à celui imposé en Suisse. Dans le canton de Schwytz, par exemple, le taux d’imposition pour les retraités expatriés est compris entre 2,5 % et 5,1 %, un taux particulièrement attractif comparé aux futures taxes envisagées.
Aujourd’hui, environ 35 % des retraités suisses résident à l’étranger, profitant ainsi de conditions fiscales plus souples dans des pays comme l’Italie ou l’Autriche. Florian Schubiger, conseiller financier à Zurich, estime cependant que seules les grandes fortunes trouveraient un intérêt majeur dans une expatriation pour des raisons fiscales. Il rappelle que pour être fiscalement exonéré en Suisse, un retraité doit résider à l’étranger au moins trois ans et fournir des preuves d’un transfert réel de domicile.
Une réforme à réexaminer pour éviter une « fuite » des retraités
Pour Karin Keller-Sutter, conseillère fédérale, il s’agit avant tout de rétablir une forme de justice fiscale entre les retraités percevant une rente et ceux ayant opté pour un versement en capital. Elle estime que le dispositif actuel favorise les retraités en capital, une situation qu’elle souhaite corriger. Cependant, les détracteurs affirment que les retraités paient déjà divers impôts, notamment sur la fortune et les revenus de leurs investissements, ce qui rend l’imposition supplémentaire injustifiée.
Reto Spring suggère une harmonisation des règles fiscales pour éviter que l’exode des retraités devienne une réalité. La suppression de l’avantage fiscal risque d’entraîner un déséquilibre économique dans certaines régions, avec une perte de contribuables retraités.