Le système de prévoyance suisse repose sur trois piliers, dont le pilier 3a, qui permet à chacun d’épargner volontairement pour sa retraite tout en bénéficiant d’avantages fiscaux. Un récent développement législatif pourrait modifier en profondeur le fonctionnement de ce mécanisme. Le Conseil des Etats a approuvé une motion permettant aux futurs retraités de retirer partiellement leurs avoirs du pilier 3a ou des fonds de libre passage.
Cette proposition vise à faciliter la transition vers la retraite, notamment pour les travailleurs indépendants, qui bénéficient généralement d’un capital important dans leur pilier 3a. Toutefois, cette mesure soulève des inquiétudes, principalement en termes de risques fiscaux et d’impact sur les finances publiques.
Un assouplissement qui profite particulièrement aux indépendants
Actuellement, les titulaires d’un pilier 3a ne peuvent retirer leur avoir que dans sa totalité, ce qui limite les possibilités d’adapter les fonds accumulés en fonction des besoins personnels avant la retraite. La motion déposée par le conseiller national Andri Silberschmidt (PLR/ZH) propose de permettre des retraits partiels du pilier 3a ou des fonds de libre passage. Cette mesure pourrait offrir une flexibilité bienvenue, notamment pour les indépendants, souvent les plus concernés par la gestion de leur prévoyance privée.
Les travailleurs indépendants, contrairement aux salariés, ne disposent pas de couverture retraite obligatoire à travers le deuxième pilier. En conséquence, ils doivent compter sur leur épargne individuelle, souvent constituée par des cotisations volontaires versées dans le pilier 3a. Actuellement, les indépendants qui connaissent une baisse de revenus avant la retraite n’ont que peu d’options pour adapter leur stratégie d’épargne. La possibilité de retirer partiellement leur capital leur offrirait un outil supplémentaire pour ajuster leur situation financière à l’approche de la retraite ou durant une phase de transition, comme une réduction de leur activité professionnelle.
En permettant des retraits partiels, cette mesure permettrait à ces travailleurs d’optimiser leur épargne, de maintenir un niveau de vie confortable tout en évitant de devoir toucher à l’intégralité de leur épargne. Cela pourrait également apporter une plus grande souplesse pour les indépendants qui, faute d’une pension de retraite d’entreprise, doivent gérer eux-mêmes leurs ressources à long terme.
Les préoccupations fiscales et les risques d’inégalité
Si la mesure présente de nombreux avantages pour la flexibilité du système, elle n’est pas exempte de préoccupations. Une des premières inquiétudes exprimées par la commission préparatoire et les autorités fiscales concerne l’impact que cela pourrait avoir sur les finances publiques. Le pilier 3a, qui bénéficie d’avantages fiscaux importants, est souvent utilisé par les contribuables les plus fortunés. En permettant le retrait partiel de ces fonds, le gouvernement pourrait potentiellement voir une diminution des recettes fiscales liées à ces économies. Actuellement, bien que les cotisations versées sur le pilier 3a soient déductibles des revenus imposables, les fonds retirés sont également soumis à une imposition préférentielle. Si ces retraits partiels deviennent une pratique courante, cela pourrait réduire l’assiette fiscale de manière significative, explique Blick.
L’impact de cette mesure sur les inégalités sociales est une autre question importante. Le pilier 3a étant principalement constitué par des cotisations des plus hauts revenus, les travailleurs les plus fortunés sont ceux qui en bénéficient le plus. Par conséquent, permettre à ces derniers de retirer partiellement leurs avoirs pourrait accentuer les écarts entre les catégories sociales. Cette évolution pourrait conduire à une situation où seuls les plus riches exploiteraient pleinement cette nouvelle possibilité, creusant davantage les disparités en matière de prévoyance retraite.
La ministre des Assurances, Elisabeth Baume-Schneider, a précisé que des conditions-cadres claires seraient mises en place pour encadrer cette possibilité de retrait partiel. Ces conditions devront permettre de préserver l’équité et de garantir que les fonds retirés ne nuisent pas à la pérennité du système. Une harmonisation des pratiques entre la prévoyance professionnelle et le pilier 3a devrait également garantir que cette nouvelle mesure ne crée pas de distorsions dans le système de prévoyance en Suisse.








