Lors de l’assemblée générale de Novartis, son président Jörg Reinhardt a reconnu que la rémunération de Vas Narasimhan était « à la limite de ce qui est encore perçu comme acceptable ». Il y a un an, le salaire du CEO s’élevait à 16,2 millions, soit 3 millions de moins qu’aujourd’hui.
Les experts estiment que le salaire moyen d’un collaborateur de production chez Novartis est d’environ 100’000 francs par an. En comparaison, Vas Narasimhan perçoit cette somme en seulement deux jours. Un écart qui alimente la polémique et qui scandalise une partie de la classe politique et des représentants syndicaux.
Un débat politique relancé malgré une loi existante
L’annonce de cette rémunération a provoqué de vives réactions, notamment au sein des partis du Centre et de la gauche. Pirmin Bischof, conseiller aux États du Centre, estime que « la limite est dépassée ». Mattea Meyer, coprésidente du Parti socialiste (PS), réclame l’adoption de nouvelles mesures pour limiter les salaires des dirigeants.
Cette problématique n’est pas nouvelle. En 2013, le peuple suisse avait approuvé à 68 % l’initiative contre les rémunérations abusives, portée par Thomas Minder, alors conseiller aux États. Ce texte visait à renforcer le contrôle des actionnaires sur la rémunération des dirigeants et à limiter les excès. Mais douze ans plus tard, l’initiative semble avoir perdu de son efficacité.
Selon Rolf Kurath, président de l’association Actares, qui défend les petits actionnaires, «19,2 millions de francs, c’est 190 fois le salaire d’un employé de production. C’est fou! ». Il plaide pour un plafonnement des salaires des dirigeants à 3 millions de francs. Pour lui, « tout ce qui est supérieur est injustifiable ».
Transparence et augmentation des rémunérations : un paradoxe
Les chiffres montrent que les rémunérations des dirigeants continuent de croître. Une étude d’Ethos, publiée l’année dernière, indique que les salaires fixes des CEO suisses ont légèrement baissé, mais que les compensations globales, comprenant les cotisations aux caisses de pension, les parts d’actions et les bonus, ont augmenté.
L’objectif de l’initiative de 2013 était de renforcer la transparence sur les salaires des dirigeants. Mais pour Rolf Kurath, cet effet de transparence a finalement eu l’effet inverse : en voyant ce que gagnent leurs homologues, les dirigeants exigent des rémunérations toujours plus élevées.
Une influence croissante du modèle américain
L’argument avancé par Novartis et d’autres grandes entreprises repose sur la nécessité de proposer des salaires compétitifs pour attirer les meilleurs talents. La Suisse s’aligne de plus en plus sur le modèle américain, où les écarts de rémunération entre dirigeants et employés sont encore plus marqués.
Pour Philipp Zimmermann, porte-parole du syndicat Unia, « un CEO n’est bon que dans la mesure où le personnel l’est aussi ». Il considère que de telles différences de salaire vont à l’encontre du principe d’équité salariale et que les employés voient leur travail moins valorisé au profit des managers et des actionnaires. Il souligne également que la colère gronde parmi le personnel face à cette politique de redistribution des richesses.
Même Thomas Minder, l’initiateur de la loi de 2013, critique la situation actuelle. Il estime que « C’est tout simplement de la mauvaise gestion d’entreprise si l’écart salarial est aussi important dans une société anonyme ». Il appelle les actionnaires à rejeter la rémunération de Vas Narasimhan lors de la prochaine assemblée générale.
Alors que les critiques s’intensifient, la direction de Novartis maintient sa position et défend ses choix stratégiques. Reste à voir si les actionnaires suivront l’appel à la contestation ou s’ils valideront une nouvelle fois ces montants controversés.