800 milliards d’euros pour le réarmement européen : la Suisse va-t-elle sortir de sa neutralité ?

La Suisse envisage une coopération avec l’UE pour son réarmement, entre relance industrielle et débats politiques internes.

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char sur fond de drapeau de l'UE
Réarmement en Europe : quel rôle pour la Suisse ? - © Shutterstock

Alors que l’Union européenne engage un programme ambitieux de réarmement, la Suisse s’interroge sur sa place dans cette dynamique. Enjeu sécuritaire et relance industrielle se heurtent à des résistances politiques internes et à une incertitude sur les conditions de participation.

L’Europe prépare un plan de réarmement de grande ampleur. La Commission européenne a récemment dévoilé un projet à hauteur de 800 milliards d’euros, appuyé par un programme commun d’achats de défense de 150 milliards d’euros validé par les 27 États membres. Dans ce contexte, la Suisse explore la possibilité d’une collaboration sans pour autant s’engager officiellement.

Cette ouverture vers une coopération avec l’Union européenne suscite des débats au sein du pays. Certains y voient une opportunité économique et stratégique, tandis que d’autres dénoncent un éloignement de la neutralité helvétique.

Une coopération envisagée mais aux contours incertains

La Suisse n’a pas encore officialisé sa position vis-à-vis du programme de réarmement européen. Pälvi Pulli, secrétaire d’État adjointe pour la politique de sécurité au Département fédéral de la défense, indique que Berne attend des précisions de la part de Bruxelles sur les conditions d’un éventuel partenariat pour les États tiers. Selon elle, cette clarification permettra d’évaluer les modalités d’une participation suisse.

Le Conseil national a adopté en mars une déclaration favorable à une coopération avec l’Europe dans le domaine de la défense. Une commission parlementaire a également chargé le Conseil fédéral d’engager des discussions avec les pays voisins en vue d’un accord. Malgré ces signaux, la collaboration reste pour l’instant à l’état de projet, suspendue à la formalisation des plans européens.

La Radio Télévision Suisse rapporte que pour Pälvi Pulli, la participation au programme permettrait d’assurer l’approvisionnement en matériel militaire, dans un contexte où la demande explose depuis le début de la guerre en Ukraine.

Des enjeux économiques pour une industrie en difficulté

Le secteur suisse de l’armement traverse une période difficile. En 2023, les exportations ont chuté de 27 %, avant de connaître un nouveau recul de 5 % l’année suivante. Plusieurs entreprises suisses ont été confrontées à une baisse de leur activité, certaines ayant recours au temps partiel ou envisageant de quitter le pays.

Parmi les causes de cette perte de vitesse, la RTS souligne la politique restrictive de la Confédération en matière d’exportation d’armes. Cette politique interdit notamment la vente de matériel militaire à des pays impliqués dans des conflits, ce qui a conduit des clients majeurs, comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, à se détourner de la Suisse.

Pour Pälvi Pulli, la relance du secteur industriel passe par une meilleure intégration aux chaînes d’approvisionnement européennes. Elle insiste sur la nécessité d’ouvrir des débouchés à l’industrie nationale, non seulement pour préserver des emplois mais aussi pour garantir la sécurité du pays.

Une participation loin de faire l’unanimité politique

Si la perspective d’un rapprochement avec l’Union européenne en matière de défense séduit certains milieux économiques et une partie du Parlement, elle suscite également des critiques vives. L’Union démocratique du centre (UDC) rejette catégoriquement toute idée de rapprochement avec Bruxelles, arguant d’une atteinte à la souveraineté suisse.

À gauche, les objections prennent un autre tour. Le conseiller national socialiste Pierre-Alain Fridez estime que le réarmement européen doit d’abord bénéficier aux pays en première ligne, comme la Pologne ou l’Allemagne. Pour lui, la guerre reste une menace éloignée pour la Suisse, ce qui ne justifie pas une implication directe dans une logique de réarmement massif.

Du côté de Bruxelles, l’intérêt pour une participation suisse est manifeste. L’eurodéputé centriste Bernard Guetta, cité par le média helvétique, souligne que l’Union européenne souhaite voir ses voisins s’associer à cet effort commun, en rappelant que la Suisse représente un acteur industriel non négligeable.

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