Depuis plusieurs années, la question de l’imposition des couples mariés fait débat en Suisse. Actuellement, les couples mariés sont imposés sur la base de leurs revenus combinés, ce qui crée une pénalisation pour ceux où un membre du couple travaille à plein temps et l’autre à temps partiel. Ce système désavantage particulièrement les femmes, dont une grande majorité exerce des activités à temps partiel. Dans ce contexte, le gouvernement suisse, soutenu par certaines forces politiques, a présenté un projet visant à supprimer cette inégalité et à instaurer l’imposition individuelle.
Ce projet de réforme est un contre-projet à l’initiative « Pour une imposition individuelle indépendante de l’état civil », lancée par les Femmes PLR. L’initiative réclame que l’imposition individuelle soit instaurée non seulement au niveau fédéral, mais également dans les cantons et les communes. Le gouvernement, de son côté, préfère inscrire cette réforme dans le cadre de la législation fédérale. Le but est d’introduire une fiscalité plus équitable qui tienne compte des revenus personnels plutôt que du statut marital. Selon les défenseurs de la réforme, cette évolution permettrait d’encourager une plus grande participation des femmes au marché du travail, tout en améliorant la justice fiscale pour les couples mariés, rapporte Blick.
Un compromis en bonne voie, mais des tensions persistent
Si le projet d’imposition individuelle a recueilli un large soutien au Conseil national, il a rencontré une résistance plus marquée au Conseil des Etats. Les sénateurs se sont montrés préoccupés par les conséquences fiscales de la réforme, estimant que celle-ci pourrait entraîner une perte de 870 millions de francs par an pour les finances publiques. Face à cette opposition, une commission du Conseil national, comprenant des membres des partis PLR, PS, Vert’libéraux et Vert-e-s, a présenté un compromis.
Ce compromis propose une réduction de la perte fiscale estimée, avec un impact annuel de 600 millions de francs, tout en maintenant l’incitation à l’augmentation du temps de travail des personnes concernées. Les quatre partis soutenant cette proposition affirment que la suppression de la pénalisation fiscale pour les couples mariés pourrait générer l’arrivée de « 50 000 employés supplémentaires » sur le marché du travail.
Cette mesure serait donc vue comme une avancée vers l’égalisation des chances et la stimulation de l’activité professionnelle, notamment pour les femmes. Ce compromis pourrait être soumis au Conseil national dès le mois de mai, avec une décision finale attendue avant l’été.
Les ajustements proposés : les déductions fiscales et les modèles familiaux
Au cœur des négociations se trouvent les déductions fiscales pour enfants, qui devraient être réajustées dans le cadre de cette réforme. Actuellement, la déduction pour enfants est de 6 700 francs, mais selon la proposition du gouvernement, elle pourrait être augmentée à 12 000 francs, répartis de manière égale entre les deux parents. L’objectif est d’encourager une plus grande implication des deux parents dans la vie professionnelle.
Cependant, face aux préoccupations du Conseil des Etats concernant l’ampleur des pertes fiscales, une solution plus modérée a été proposée. Selon cette proposition, la déduction pour enfants serait limitée à 10 700 francs. De plus, afin d’encourager certains modèles familiaux traditionnels, il serait possible de transférer les déductions d’un parent à l’autre, selon le besoin. Ces ajustements visent à minimiser les pertes fiscales tout en soutenant une répartition plus équitable des charges familiales et en maintenant des incitations à l’activité professionnelle pour les deux parents.
Une réforme avec des enjeux sociaux et économiques
Si la réforme est adoptée, elle pourrait avoir des répercussions considérables sur le système fiscal suisse. L’imposition individuelle devrait permettre une répartition plus juste des charges fiscales entre les couples mariés, en tenant compte des revenus individuels. Cependant, la réforme soulève également des questions sur son impact économique global, notamment sur les pertes fiscales à court terme et les implications pour les modèles familiaux traditionnels.
Le projet est également perçu comme un levier potentiel pour encourager une plus grande égalité entre les sexes sur le marché du travail. En supprimant la pénalisation fiscale du mariage, le gouvernement cherche à inciter davantage de femmes à travailler à temps plein, contribuant ainsi à l’augmentation de la main-d’œuvre disponible dans le pays. Ce changement pourrait avoir un effet structurant sur la société suisse, avec une influence directe sur les choix professionnels des individus, notamment des femmes.