Près de 1000 francs par personne : les prix des médicaments explosent en Suisse, qu’est-ce qui fait autant flamber la note ?

En 2024, le coût des médicaments en Suisse atteint des niveaux records, poussés par les traitements contre le cancer et une faible adoption des génériques.

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Près de 1000 francs par personne : les prix des médicaments explosent en Suisse,qu'est-ce qui fait autant flamber la note ? : Crédit : Canva | Econostrum.info - Suisse

Le coût des médicaments en Suisse connaît une hausse sans précédent, avec des dépenses atteignant 9,4 milliards de francs en 2024, soit 996 francs par personne. Chaque assuré a vu sa prime augmenter pour financer ces médicaments, un montant record qui souligne l’impact de l’inflation des prix sur le système de santé suisse. 

Cette explosion des coûts est alimentée par plusieurs facteurs, dont l’augmentation du nombre de traitements coûteux, la hausse des prescriptions et l’introduction de nouveaux médicaments à des prix élevés. Bien que des réformes aient été mises en place pour contrôler ces dépenses, la note continue d’augmenter, soulevant des questions sur l’efficacité des mesures et sur les solutions à envisager pour limiter cette spirale des coûts.

L’augmentation des traitements contre le cancer et la pression des coûts

L’un des principaux moteurs de l’augmentation des dépenses en médicaments est la forte croissance des traitements contre le cancer. En 2024, les immunothérapies et les anticancéreux ont coûté 2,8 milliards de francs, soit environ un tiers de l’ensemble des dépenses pour les médicaments en Suisse. Bien que ces traitements soient essentiels pour améliorer l’espérance de vie des patients, ils sont également parmi les plus coûteux. En moyenne, les patients ont dépensé 7700 francs pour ces thérapies, avec certains traitements pouvant dépasser les 100 000 francs par an.

Une des raisons de cette augmentation est la hausse du nombre de patients traités, qui a augmenté de 6 % en 2024. Ce phénomène est particulièrement visible dans le domaine des thérapies de pointe comme les immunothérapies, qui sont plus efficaces mais aussi beaucoup plus chères que les traitements traditionnels. Même si certains prix ont baissé grâce à l’utilisation accrue des génériques, l’augmentation des cas de cancer et la complexité croissante des traitements continuent de faire grimper la facture. La Suisse, bien qu’elle favorise l’accès aux génériques pour réduire les coûts, fait face à une pression continue due aux traitements innovants et onéreux. Les patients traités contre le cancer ne représentent qu’une part limitée de la population, mais leurs traitements représentent une proportion disproportionnée des dépenses.

L’inefficacité des réformes et la problématique des génériques

Malgré l’introduction de réformes destinées à encourager l’usage des médicaments génériques, la situation ne semble pas s’améliorer de manière significative. Depuis 2024, les patients qui choisissent des médicaments originaux plutôt que leurs équivalents génériques doivent payer une quote-part plus élevée, passant de 10 % à 40 %. L’objectif est d’inciter à un usage plus large des médicaments moins chers. Cette mesure a permis de réaliser environ 65 millions de francs d’économies. Cependant, le potentiel d’économies reste encore largement sous-exploité, car de nombreux patients continuent de choisir l’option la plus coûteuse, même lorsqu’un générique existe. Environ 8 % des patients optent encore pour le médicament plus cher, ce qui représente une facture annuelle de 290 millions de francs pour 5,2 millions de boîtes supplémentaires.

Un autre facteur limitant l’efficacité de la politique des génériques est le plafonnement des quotes-parts, qui permet aux assurés de ne plus rien payer une fois un certain seuil atteint. Ainsi, bien que des économies aient été réalisées, le système actuel incite paradoxalement certains patients à choisir des médicaments plus chers en raison de cette structure de plafonnement. Helsana, l’assureur, suggère que le plafond de la quote-part soit supprimé pour les médicaments génériques afin d’encourager une utilisation plus large et de réaliser des économies substantielles.

En outre, l’industrie pharmaceutique elle-même joue un rôle crucial dans l’augmentation des coûts. Le prix des nouveaux médicaments a pratiquement doublé au cours des dix dernières années, atteignant en moyenne 1500 francs par produit, relate Watson. Parmi les 28 traitements récemment remboursés, seuls quatre seraient véritablement innovants, selon Helsana. Beaucoup de ces nouveaux médicaments ne font que remplacer des produits existants, sans amélioration significative des résultats cliniques. L’opacité des prix et des rabais dans l’industrie pharmaceutique aggrave cette situation, car la Suisse paie en fonction de tarifs publics qui ne reflètent pas nécessairement les prix réellement payés par les autres pays.

Le système de santé suisse se heurte ainsi à un dilemme complexe : bien que des efforts soient déployés pour contrôler les coûts, les traitements innovants et la faible utilisation des génériques maintiennent les dépenses à un niveau élevé. Les discussions en cours sur la régulation des prix et les rabais exigés des fabricants, notamment pour les « blockbusters » comme Keytruda et Xarelto, laissent entrevoir une possible réduction des coûts, mais l’impact reste incertain à court terme.

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