L’application chinoise de shopping en ligne Temu est au centre d’une polémique en Suisse. Ses nouvelles conditions générales d’utilisation, modifiées récemment, suscitent l’indignation des spécialistes du commerce électronique.
Les nouvelles conditions d’utilisation de Temu soulèvent des inquiétudes en Suisse
L'application de shopping chinoise Temu, en pleine expansion en Suisse, modifie ses conditions générales d'utilisation, provoquant une levée de boucliers parmi les experts en droit de la consommation. Les critiques se concentrent sur des clauses jugées problématiques pour les consommateurs suisses.
Avec un chiffre d'affaires dépassant les 700 millions de francs suisses en 2024, Temu s'impose comme un géant de l'e-commerce. Mais son modèle économique et ses pratiques suscitent des interrogations sur la responsabilité des plateformes dans le commerce en ligne.
Un « swiss-washing » aux conséquences controversées
Les nouvelles conditions générales de Temu, introduites depuis la mi-octobre en Suisse, prétendent se conformer au droit local. Parmi les modifications, la clause 17.3 stipule désormais que le droit suisse s'applique aux litiges dans ce pays. Ce changement, a priori favorable, est dénoncé par Bernhard Egger, directeur de l'association Handelsverband.swiss, comme un simple coup de communication, qualifié de « swiss-washing ». Cette initiative viserait à donner une apparence de conformité tout en transférant la responsabilité des litiges aux consommateurs.
L'aspect le plus critiqué reste la clause 9.1, qui dégage la plateforme de toute responsabilité en cas de conflit entre un consommateur et un fournisseur. Temu se positionne comme un simple intermédiaire, obligeant les clients à s'adresser directement à des fabricants souvent inaccessibles. Selon Egger, cette politique complique considérablement la tâche des utilisateurs suisses, qui ont un contact unique avec la plateforme mais non avec les innombrables vendeurs.
Une stratégie juridiquement contestée
Anne-Christine Fornage, professeure de droit privé et présidente de la Commission fédérale de la consommation, voit dans cette démarche une tentative de déresponsabilisation similaire à celle d'Uber, qui avait affirmé être un intermédiaire et non un employeur. Bien que cette stratégie ait été invalidée par le Tribunal fédéral en 2022 pour Uber, la situation de Temu reste floue sur le plan juridique.
Cette position est d'autant plus problématique que Temu, malgré ses assurances de soutien via son service client, maintient la clause controversée de non-responsabilité. Selon Fornage, cette pratique met en lumière un déséquilibre juridique, où les consommateurs sont laissés sans réelle protection face aux litiges.
Une expansion fulgurante mais une concurrence jugée inégale
Depuis son lancement en Suisse en 2023, Temu a connu une croissance fulgurante. Son chiffre d'affaires, estimé à 700 millions de francs pour 2024, la place parmi les plus grandes plateformes du pays, dépassant même des acteurs historiques comme Brack.ch. Cette ascension ne fait qu'amplifier les préoccupations des experts et des concurrents locaux sur les pratiques de la plateforme.
La Swiss Retail Federation et d'autres organisations de commerce de détail ont déjà saisi les autorités pour demander des règles plus strictes concernant les acteurs étrangers comme Temu et Shein. Le débat sur l'égalité des conditions de concurrence entre plateformes locales et internationales reste au cœur des discussions.