En 2020, Anton Gäumann, alors patron de Migros Aare, dévoilait avec enthousiasme la plateforme logistique 2030 à Schönbühl, un immense entrepôt frigorifique censé devenir un maillon clé de la distribution des produits frais. Avec un investissement colossal de 250 millions de francs suisses, cette installation devait assurer l’approvisionnement en fruits, légumes, produits laitiers, viande et pain pour 170 magasins situés en Argovie et Soleure.
Cinq ans plus tard, l’enthousiasme a laissé place aux difficultés. L’entrepôt, d’un volume de 160 000 mètres cubes, s’est révélé trop grand pour les besoins réels. Une partie des installations reste inutilisée, représentant un tiers du complexe, et entraînant des pertes évaluées à 100 millions de francs suisses.
Un projet pensé sans l’accord des autres coopératives
L’une des erreurs majeures de ce projet a été l’absence de concertation avec les autres coopératives régionales de Migros. Anton Gäumann comptait sur une mutualisation des infrastructures, en prévoyant que les coopératives de Bâle et de Neuchâtel/Fribourg utilisent également le centre de Schönbühl pour la distribution de leurs marchandises.
Mais ces dernières n’ont été consultées qu’une fois la construction bien avancée, et elles ont refusé de centraliser leurs flux logistiques à Schönbühl. Elles ont préféré conserver leurs propres centres de distribution, évitant ainsi de supprimer des emplois dans leurs régions respectives. Résultat : les capacités de l’entrepôt sont largement sous-exploitées, et Migros doit assumer seule le poids financier de cette infrastructure surdimensionnée.
Guido Rast, directeur de Migros Lucerne, a reconnu auprès de la SRF que ce projet n’a pas été mené de manière optimale : « Tout ne s’est pas déroulé parfaitement car les travaux ont été réalisés sans que les coopératives ne s’engagent ».
Une restructuration qui remet en question la stratégie de Migros
Cette situation intervient alors que Migros traverse une période de transformation majeure. Le groupe cherche à se recentrer sur son activité principale, ce qui l’a conduit à se séparer de plusieurs actifs. En janvier 2024, Migros a ainsi vendu ses magasins Obi pour simplifier son portefeuille et alléger ses charges.
Dans ce contexte, l’échec du centre logistique de Schönbühl pèse lourdement sur les comptes du groupe. En plus de cette perte de 100 millions de francs suisses, Migros a dû amortir un déficit global de 500 millions de francs suisses. L’enseigne ne communique pas sur les chiffres exacts de cette débâcle et Anton Gäumann, principal responsable du projet, n’a pas souhaité s’exprimer.
